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elle est à jour fixe et impossible à tenir. Après la mort du roi de Navarre, principal défenseur de Françoise, il demande et obtient renvoi sur renvoi. L’assassinat de Guise va l’ancrer dans sa résistance. Car la belle Anne d’Este devient libre, et il ne songe plus qu’à l’épouser. Ce mariage couronnera son amour ensemble et son ambition.

Nemours se défend donc comme un beau diable contre sa tenace adversaire qui aurait eu besoin de méditer les conseils de saint François de Sales à une jeune fille dans un cas semblable : « Je vous dis de tout mon cœur, l’adjure le saint évêque, c’est-à-dire de tout ce cœur qui chérit le vôtre, que vous ne vous opiniâtriez point à plaider ; vous y consumeriez votre temps inutilement et votre cœur, qui est le pis. On vous a rompu la foi donnée… celui qui l’a rompue en a le plus grand mal… Vous ne sauriez témoigner plus de courage que de mépriser le mépris[1]. » Ce genre de procès était, au contraire fort en usage au XVIe siècle, et les séducteurs payaient quelquefois assez cher, et fort justement, leurs manèges de tromperie. Le pire était d’être condamné au mariage. Nemours y voulait échapper à tout prix, maintenant qu’il était fiancé à ses plus chères amours. Il obtint de faire renvoyer le litige devant l’archevêque de Lyon, qui rendit un jugement en sa faveur. Mais Françoise souleva un conflit de juridictions. L’affaire fut évoquée devant le Conseil du Roi, qui débouta la demanderesse (26 avril 1566). Dès le lendemain, le contrat de mariage était passé entre M. de Nemours et la belle veuve de François de Guise : on n’attendait que cet arrêt, et le mariage fut célébré le 5 mai. Françoise, implacable, fit troubler la cérémonie par un officier de justice, praticien au parlement, maître Vincent Petit, qui brandissait un papier au nom de sa cliente. Les Guise impatientés le firent battre et mettre en prison. Derechef, Françoise tenta de faire dissoudre le mariage. De nos jours, on a écrit une comédie sur les femmes collantes. Françoise de Rohan est la patronne des plaideuses. Nemours furieux perdit toute mesure. Son rôle n’était déjà pas reluisant : il va le brouiller encore. Il fait voler dans le logis de son ancienne maîtresse les papiers compromettants, il désavoue son fils publiquement. Le Roi rend un nouvel arrêt renvoyant définitivement Françoise des fins de sa plainte

  1. Cité dans la Véritable Princesse de Clèves.