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intention un portrait si séduisant du, duc, qu’il vit briller dans ses yeux une étincelle d’amour ; il n’eut donc, pas grand’peine à lui faire avouer qu’elle désirait le connaître. A son retour en France, Randan en parla au duc et lui fit entrevoir que, s’il se rendait en Angleterre, il aurait peut-être quelque chance d’épouser la reine. Randan s’en remit également à François II, qui y vit peut-être un moyen de rapprochement entre la France et l’Angleterre, profondément divisées alors à l’occasion de l’Écosse. Il encouragea donc Nemours à tenter l’aventure ; une couronne étant au bout, le duc, par prudence, envoya en éclaireur à Londres Lignerolles, son plus fidèle serviteur. Lignerolles étant revenu avec une réponse encourageante, il n’y avait plus à hésuter ; le duc songea à ses préparatifs. François II l’aidant de sa bourse, il acheta des chevaux, des équipages, et commanda les plus riches costumes. Tous les jeunes gentilshommes qui se modelaient sur lui briguèrent l’honneur de l’accompagner quand, tout d’un coup, le projet de voyage se rompit. Brantôme nous en dit le motif : Une dame le serrait trop d’amour. S’il ne la nomme pas, il la désigne suffisamment pour qu’on ne s’y trompe point. C’était la duchesse de Guise, Anne de Ferrare, si belle, à l’en croire, que, la voyant un jour danser avec Marie Stuart, il ne put dire qui l’emportait en beauté[1]

Pour le baron de Ruble, il est vrai, ce fut la reine elle-même qui se détacha du projet, comme elle avait accoutumé de le faire en matière de mariage. Le beau Nemours faillit donc conquérir un trône, et son amour pour Anne d’Este l’en aurait seul empêché. Mais l’amour avait commencé de lui jouer un tour de sa façon. On sait qu’il en a de cruels. Ses flèches sont acérées, et parfois même empoisonnées. Le procès Rohan ne va pas nous montrer notre Nemours en belle posture.


VII. — UN QUATRIÈME ET GÊNANT PERSONNAGE

Saint-Simon a conté cette histoire dans son style imagé et sa rude manière d’aristocrate qui attache peu de poids aux galanteries et beaucoup au rang d’où il voulait exclure les Rohan, et voici comment il expédie Françoise de Rohan dont il fait une aventurière en quête d’un mari de haut titre par tous les moyens :

  1. Comte Hector de la Ferrière, Les projets de mariage de la reine Elisabeth (1882).