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Le défaut de ce système est facile à découvrir : tandis que les corps d’élite, — la milice palatine, — étaient en grande partie des troupes de parade, le nerf de l’armée (les comitatenses) est subdivisé en petits noyaux et dispersé en de petites villes de l’intérieur pour maintenir l’ordre public ; il a donc la fonction d’une gendarmerie plus que celle d’une véritable armée. En outre, dans les trois sections de l’armée l’élément barbare abonde. Constantin ouvre aux barbares jusqu’aux portes de la milice palatine. Il recrutera en une seule fois 40 000 Goths. Enfin il accomplit un des actes les plus audacieux auxquels un chef de l’Empire pût penser. Il reprit le dessin d’Antoine : il enleva à Rome sa couronne, et transporta en Orient la capitale de l’Empire.


VI

Cette activité est large, forte, profonde, riche d’idées géniales. C’est la manifestation d’un génie politique et administratif de premier ordre ; mais c’est aussi la preuve évidente que la monarchie pure est plus faible encore qu’avec le système de Dioclétien. On pourrait définir la politique de Constantin, en disant que, pour conquérir et exercer seul le pouvoir absolu, il en avait affaibli, en s’appuyant sur le Christianisme, les bases, qu’Aurélien et Dioclétien avaient tâché de consolider avec les cultes orientaux.

Pour quelle raison Constantin aurait-il compliqué encore plus le cérémonial et multiplié la bureaucratie, si son gouvernement ne se fût senti plus faible que le précédent, malgré la concentration de tous les pouvoirs dans une seule main ? De la même manière, on ne peut expliquer qu’un soldat et un homme d’Etat de tant de génie ait fractionné et immobilisé l’armée en un si grand nombre de garnisons à l’intérieur, loin des frontières, qu’en admettant que l’armée devait désormais servir à conserver par la force l’ordre intérieur, menacé par tant de causes de dissolution, plus encore qu’à défendre l’Empire. On ne peut non plus expliquer que Constantin ait ouvert si facilement les rangs des légions aux barbares, sans admettre qu’il se sentait impuissant à lutter contre la répugnance de la nouvelle société chrétienne à la vie militaire. Il est enfin impossible d’expliquer, sinon comme un signe d’affaiblissement de