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demeura jusqu’à sa mort pour l’édification de l’Allemagne : en sorte que ce Rhénan, qu’il nous maudît ou non, ne perdait jamais de vue le bénéfice qu’il pouvait trouver à puiser dans le riche trésor de nos expériences spirituelles. C’est là, je crois, une aventure d’une valeur symbolique. Aujourd’hui où les plus graves problèmes les étreignent dans leur vie de chaque jour, les Rhénans ont besoin de guides éclairés et bienveillants, et déjà plus d’un d’entre eux se tourne presque insensiblement vers l’Ouest.


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Des guides éclairés et bienveillants, capables de les aider à se donner l’organisation spirituelle et sociale où ils aspirant naturellement à vivre ! Avons-nous su dans la période présente apparaître tels aux Rhénans ? A-t-il existé jusqu’à cette heure chez nous un esprit national vis-à-vis de la Rhénanie ? Nous souvenons-nous suffisamment que la France sur le Rhin a été pendant de longues années un fait historique, et qu’à défaut de cette présence réelle il y a un phénomène d’influence qui devrait être associé à notre conscience nationale ? Possédons-nous une pensée rhénane collective, et l’attitude à avoir là-bas n’a-t-elle pas semblé trop souvent pure affaire de gouvernement, de fonctionnaires, de diplomates et de soldats ?

Il nous faut une direction des esprits, une pensée commune, un terrain d’entente. Cette direction, cette pensée nationale, il n’est pas outrecuidant de croire qu’elle s’élabore, puisque de bons artisans de la victoire, des serviteurs excellents de la France politique ont bien voulu, par leur présence ici, attester qu’ils partagent nos préoccupations et qu’ils ne désapprouvent pas nos vues. Et c’est aussi bien pour que la France retrouve la pleine conscience de sa force d’irradiation, que j’ai tenu à faire de Strasbourg le point d’appui d’un mouvement que j’imagine assez général et prolongé.

Cette direction, tous les faits que nous venons de recueillir nous permettent de la formuler comme suit : la France sur le Rhin doit agir d’une telle manière qu’elle incline les Rhénans à concevoir un idéal spirituel, politique et social qui les détourne à tout jamais du germanisme de Berlin et qui les amène à rentrer en contact plus étroit avec la culture latine, avec notre esprit occidental.