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Mais ni sa bonne mine, ni sa noblesse, ni ses richesses ne troublent Clorinde. Fabrice lui a cependant fait comprendre qu’elle lui plaît. Elle ne se laisse pas tenter :

Eh bien, non ! Ce serait plus mal que tout le reste…
Rendons à ma famille un éclatant service,
Rachetons le passé par un vrai sacrifice…

Elle s’emploie à donner à Célie ce riche parti qu’elle pourrait prendre pour elle et dont, malgré tout, elle ne veut pas. Elle est heureuse de cette belle action par laquelle il lui semble inaugurer sa nouvelle existence :

C’est moi, c’est ma réalité
Qui respire à son aise en pleine honnêteté.

Elle entreprend d’amener Célie à ce mariage. Elle débute ainsi :

Vous ne me fuyez pas, mon enfant, aujourd’hui..
Si vous saviez combien vous me faites de joie !

Célie qui est âgée de seize ans seulement, mais qui possède déjà des « clartés de tout » à un degré surprenant, laisse tomber sur Clorinde un flot de paroles méprisantes, lui reproche

… d’avoir préféré par un honteux effort
L’infamie au travail, à la faim, à la mort.

et la plaint « de ne plus mériter de pitié. » En vain, Clorinde se défend :

Oui, ma vie est coupable, oui, mon cœur a failli…
Mais vous ne savez pas de quels coups assailli !
Comment le sauriez-vous, âme chaste et tranquille,
A qui la vie est douce, et la vertu facile,
Enfant, qui pour gardien de votre tendre honneur
Avez une famille et surtout le bonheur !…

Et comme la malheureuse parle de la miséricorde de Dieu, la jeune personne lui répond, du tac au tac :

Dieu ! dites-vous ? Sachez que les honnêtes gens
Trahiraient sa justice à vous être indulgents.

Clorinde, ainsi repoussée, se décide à accueillir les hommages du faux prince, et. Fabrice, qui le sait, prépare un enlèvement. Il joue à Clorinde la comédie de la grande passion. « Tu m’aimes ? » lui demande-t-il :