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celle de l’unité de front, unité qu’il faut, a-t-il dit, maintenir dans la paix telle qu’elle a été établie dans la guerre. L’accueil très sympathique qu’a reçu le ministère en Angleterre, en Italie, en Belgique, les relations cordiales que M. Briand a pu nouer, au cours des hostilités, avec la plupart des hommes politiques des nations amies, son tact et son affabilité naturelle, lui faciliteront certainement la reconstitution d’un front aujourd’hui quelque peu disloqué. Les télégrammes qu’il a échangés avec les premiers Ministres sont, de part et d’autre, rédigés dans un esprit de concorde qu’il y a plaisir à noter. M. Auguste Gauvain a eu raison de relever, en particulier, celui que M. Briand a adressé au distingué ministre des Affaires étrangères de la Tchéco-Slovaquie, M. Benès. Tous ceux qui ont eu, pendant la guerre, l’occasion de collaborer avec M. Benès, ceux qui, comme moi, l’ont vu à l’œuvre avant la résurrection de son pays, savent quelle confiance il a dans l’amitié de la France et quelle orientation il s’efforcera toujours de donner à sa politique. Nous ne sommes pas moins assurés des sentiments de la Roumanie et de la Yougo-Slavie, et lorsque M. Take Jonesco a expliqué, il y a quelques semaines, dans l’amphithéâtre Richelieu, les motifs qui avaient inspiré la Petite Entente, il n’a rien pu rester, dans l’esprit de ses auditeurs, des préventions que certains magyarophiles avaient essayé d’y faire pénétrer. M. Briand a franchement rompu avec l’étrange politique que nous avons pratiquée, l’an passé, dans l’Europe centrale, et qui aurait fini par y mécontenter tous nos amis : « Le Gouvernement de la République française, a-t-il télégraphié à M. Benès, apprécie hautement et suit avec une sympathie particulière l’action que vous vous efforcez d’exercer en groupant nettement dans une étroite union les États alliés de l’Europe centrale, signataires, aux côtés de la France, des traités sur lesquels est basée la paix générale et qui ont consacré les principes dont la victoire des Alliés a assuré le triomphe. » Paroles de bon sens et de raison, qui sont le signal d’un redressement nécessaire. Nous n’avons pas d’amitiés de rechange. Gardons celles que nous avons éprouvées. Nous n’en serons pas moins libres de chercher, en même temps, à reprendre de bons rapports avec la Hongrie et de prêter enfin à l’Autriche l’aide dont elle a besoin pour vivre et pour sauver son indépendance. Mais l’Autriche et la Hongrie seront les premières à comprendre que nous ne voulions pas leur sacrifier nos amis d’hier.

La Conférence de Paris s’est donc ouverte sous des auspices favorables. Que sortira-t-il de ses délibérations? A l’heure où j’écris, je