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étudiants ne fussent pas attentifs à sa beauté, mais bien à son enseignement. N’êtes-vous pas amoureux d’elle, et du souvenir d’elle, maintenant que, comme dit Brantôme, la terre couvre un si beau corps ?

Ce premier chapitre du livre de Mme Colette Yver abonde en remarques fines et vraies. Cependant, je crois qu’il est en partie faussé du fait que Sidonie soit jolie à merveille. Sidonie aux yeux châtains et au mélancolique sourire est, à coup sûr, un monstre d’égoïsme involontaire et d’innocente perversité intellectuelle. Oui, elle doit figurer dans la galerie des « cervelines » que Mme Colette Yver a peintes dans un de ses romans, pauvres filles dont le cerveau se développe au détriment du cœur. Seulement, elle est jolie ; et sa coquetterie nous fait horreur et nous enchante. Le professeur a terriblement souffert à cause d’elle. Je ne sais ce que pense d’elle une lectrice de Mme Colette Yver ; mais je crois que plus d’un lecteur lui dira, comme dit à Manon Lescaut le poète : « Ah ! folle que tu es, comme je t’aimerais demain, si tu vivais ! » Car, si égoïstes qu’ils soient, les hommes ne haïssent pas une méchante aux yeux châtains qui les martyrise et qui, par son mélancolique sourire, prouve qu’elle en a quelque regret. Tant les hommes sont frivoles, encore plus frivoles que bien égoïstes.

D’ailleurs, les dames féministes partiront de là pour s’écrier qu’on les offense. Les laides crieront plus fort que les autres : laissons-les crier ! Et le dépit très gentiment effarouché des autres sera toute grâce, comme elles.

Mme Colette Yver conjure Sidonie et ses pareilles de ne pas nous haïr : la haine, évidemment, ne vaut rien. Elle conjure Sidonie et ses pareilles de voir qu’on ne leur ôte pas la permission de suivre des cours, d’être savantes et de cultiver leur esprit ; mais elle les conjure de cultiver leur esprit « dans le sens féminin. » C’est la sagesse ! Et tout au plus observerons-nous que Sidonie, même dans sa toquade, reste femme, adorablement femme. Il ne lui manque, pour nous déplaire, que d’être laide.

Badinage ? Mais non !… Du reste, retournons à une gravité plus évidente. Mme Colette Yver, dans son deuxième chapitre, examine le problème de l’éducation des filles. Or, est-il opportun de modifier les principes de cette pédagogie ? Nos contemporains ont l’étrange manie de croire qu’ils inventent la vie ou l’inaugurent. Ils font semblant de ne pas savoir qu’il y a eu des jeunes filles autrefois, et très bien élevées, et qu’au lieu d’imaginer un système nouveau d’éducation, peut-être faudrait-il veiller à conserver l’ancien système. Les filles