Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/647

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au vrai, la masse du peuple roumain n’a pas une culture moyenne égale à la nôtre ; mais en revanche son élite est affinée à un degré qui n’est dépassé nulle part. Ainsi je connais des ministres roumains (que je ne nommerai point pour ne pas porter un coup trop brutal à leur modestie) qui ont pénétré d’une manière si intime dans les profondeurs de nos trésors intellectuels, qui sont si nettement imprégnés de tous les charmes et de toutes les vivacités de l’esprit français, qui pensent, sentent et jugent si françaisement, que je me suis surpris parfois à regretter que tous nos ministres à nous ne fussent point « à l’instar. »

Le temps des Christophe Colomb est, hélas ! passé. Je ne veux point me donner le ridicule de découvrir la Roumanie ; trop de Français et de trop grands Français l’ont fait déjà pour que j’ose m’y risquer. Ce que je voudrais seulement maintenant, c’est, faisant un choix dans le riche bouquet de souvenirs que me laisse ce voyage, situer en quelques traits brefs deux des journées qui m’ont laissé la plus pittoresque image : celle que je passai aux puits de pétrole, celle que je vécus lors de l’inauguration de l’Université roumaine de Bukovine à Csernowitz.


* * *

Je dois, pour l’organisation de ma randonnée aux régions pétrolifères, des remerciements, entre beaucoup d’autres, à notre aimable chargé d’affaires M. Cambon dont la spirituelle bonne grâce me fut précieuse, et à M. Laurent-Goursaud, un de ces ingénieurs français dont le rôle de pionnier de notre pays n’est pas moins utile là-bas moralement que celui de nos écrivains et de nos savants et l’est peut-être plus encore matériellement… et nous sommes, hélas ! sur une planète où l’esprit ne peut point encore se passer, pour bondir vers les espaces éthérés, de ce tremplin solide qu’est la puissance matérielle.

Sitôt quitté Bucarest, l’auto qui nous conduit vers la vallée des Carpathes où jaillissent les sources éruptives de pétrole que nous allons visiter, nous permet de savourer tout le charme si coloré de la riche plaine valaque. Successivement nous traversons Otopenii, Tzincabesti, Tziganesti, ces villages roumains si caractéristiques dont toutes les maisons sont cernées de leur jardin, en bordure de la route, ce qui donne à la moindre bourgade des longueurs fantastiques. Elles sont bien jolies,