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nationalisme turc et une provocation aux Slaves qu’elles écartent de la Méditerranée. Le jour où renaîtra une Russie, constituée sous quelque forme que ce soit, son premier souci sera de réclamer « les clefs de sa maison » et d’ameuter les Slaves des Balkans pour la défense de ses intérêts qu’elle regarde comme des droits. A chaque page du traité, la marque de l’empirisme britannique se révèle ; il n’a pas voulu prévoir l’avenir ; il n’a considéré que le danger actuel, la menace de Mustapha Kernal, qu’il fallait éloigner de la Marmara, de Constantinople et des Détroits.

La combinaison n’était pas solide. La mort du roi Alexandre, les élections grecques, suivies de la chute de M. Vénizélos, et le rétablissement du roi Constantin sur le trône sont plus qu’il n’en faut pour la jeter bas. Les territoires que l’Entente avait confiés à M. Vénizélos, elle n’aura pas la naïveté de les abandonner au beau-frère de Guillaume II, pas plus d’ailleurs qu’à son neveu, si Constantin venait à abdiquer. Le peuple grec veut la démobilisation, la paix et l’allégement des charges financières et militaires du royaume ! Le traité de Sèvres, n’étant pas ratifié, peut être amendé. Il n’est même pas nécessaire de créer le précédent dangereux de réviser un traité à peine signé ; il suffit de procéder aux aménagements rendus indispensables par des circonstances nouvelles. La Grèce a signifié par son vote qu’elle ne peut pas remplir le rôle trop lourd qui lui a été confié ; les Puissances victorieuses ont notifié à Constantin qu’elles n’ont pas confiance en lui pour une telle mission ; il reste à disposer des provinces qui avaient été attribuées à la Grèce. La Thrace ne peut être rendue aujourd’hui à la Turquie, pas plus qu’à la Bulgarie ; elle devrait donc être mise, comme un bien en litige, à la Caisse des dépôts et consignations, qui s’appelle en politique la Société des nations ; elle l’administrerait pendant quinze ans, au terme desquels on s’efforcerait de donner satisfaction au vœu des populations. Pour Smyrne, la solution est encore plus simple ; le traité y maintient la souveraineté théorique du Sultan ; l’usufruitier désigné n’étant plus qualifié pour remplir son mandat, le nu-propriétaire redevient usufruitier avec l’assistance des Puissances signataires. De toute façon l’expédient par lequel la politique britannique avait fait face au danger du nationalisme turc s’est révélé insuffisant ; il faut qu’en plein accord les Puissances signataires du traité cherchent une autre solution ; on ne