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qui aurait pu être à la fois leur salut, celui de la Pologne et celui de la Russie elle-même, il n’a oublié que deux facteurs qui se trouvent précisément être les plus essentiels. Le premier, c’est que l’Allemagne, elle aussi, est riveraine de la Baltique, qu’elle reste un bloc de soixante millions d’hommes et qu’elle redeviendra plus vite que ne le croient les marchands de la Cité un concurrent redoutable pour leur commerce. Chaque progrès du bolchévisme libère l’Allemagne de sa défaite, dont elle sent surtout la blessure à l’Est, par l’écharde polonaise enfoncée dans sa chair, et la met en situation d’exercer sur les Alliés un chantage avantageux. A Dantzig, ne pas aider les Polonais, c’est travailler pour les Allemands. Le second, c’est que, bolchevique ou non, fédérale ou centralisée, il existe et existera une Russie et une unité russe ; M. Lloyd George cherche à entrer en relations avec la Russie des soviets ; mais, après la révolution bolchevique, on a vu renaître en Angleterre la vieille tradition anti-russe de l’India-Office reléguée au second plan par l’intelligence d’Edouard VII ; l’empirisme britannique a cru l’occasion favorable pour triompher en Asie sur les ruines de son ancienne rivale. En laissant le bolchévisme la ronger et les petites nationalités s’en détacher, on éloignait la Russie des mers européennes, des Détroits de Constantinople et des routes qui descendent vers le golfe d’Alexandrette et vers les Indes ; à jamais morcelée, elle serait à jamais inoffensive. Mais voilà que la logique des faits détruit ces châteaux de cartes ; pour n’avoir pas voulu être constructive, la politique britannique se trouve aux prises avec des dangers et des difficultés sans fin, car ces mêmes bolchévistes qui envahissent la Pologne attaquent aussi la Perse et menacent les Indes. La politique qui ne voit que les côtes, les ports et les fleuves, sans trop s’inquiéter de ce qui se passe ou s’élabore dans la masse profonde des continents, se ménage de terribles surprises ; elle est radicalement insuffisante pour refaire une Europe stable et pacifiée.


IV

La politique des ports se développe dans la Méditerranée comme dans les mers du Nord. Là aussi elle est un retour presque instinctif à la tradition, à l’histoire. La comparaison classique de la politique commerciale de l’Angleterre avec celle