Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/584

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui règle les conditions du divorce entre la Belgique et la Hollande, imposait à la première de lourdes servitudes à l’avantage de la seconde. L’Europe, inspirée par Londres, refusa de céder à la Belgique la Flandre maritime et le Limbourg avec Maestricht. Le cabinet britannique appréhendait que l’influence de la France ne fût trop forte dans le nouvel État ; il faut, avait dit Palmerston, — M. Carton de Wiart le rappelait le 11 juin à la Chambre des Représentants, — faire une Hollande très forte pour servir de barrière contre la France. L’Escaut demeura donc fermé et le Limbourg ouvert. C’est, en fin de compte, à l’Allemagne que profitèrent les clauses qui restreignaient la liberté du port d’Anvers. Dès le 4 août 1914, l’Escaut était fermé. Les Français et les Anglais ne purent s’en servir pour porter secours à Anvers, ni les Belges pour faciliter l’évacuation du camp retranché et sauver leur armée. Au contraire, une partie des troupes allemandes en retraite, au moment de l’armistice, put sans opposition traverser le Limbourg hollandais.

La guerre terminée, les gouvernements alliés et l’opinion paraissaient d’accord pour réviser, au profit de la Belgique héroïque et fidèle, les stipulations du traité de 1839, dût la Hollande, qui avait eu tous les profits de la neutralité, en pâtir quelque peu. Le traité de Versailles stipule en effet[1] que le traité de Londres sera révisé. Des négociations commencèrent donc à Paris ; la Belgique s’attendait à ce que la barrière dressée par Palmerston contre la France fût en quelque sorte retournée contre l’Allemagne. Les négociations, lentes, difficiles, n’ont abouti pour la Belgique qu’à des satisfactions si insuffisantes qu’elle a jusqu’ici préféré ne pas signer une convention qui ne lui accorde ni la liberté de l’Escaut, ni une bonne ligne de défense sur la Meuse. « La Hollande l’a refusé aux Puissances, qui ont déployé auprès d’elle, il est vrai, un assez médiocre effort de persuasion. » C’est M. Hymans, ministre des Affaires étrangères de Belgique, qui s’exprimait ainsi, le 11 juin, à la Chambre des Représentants. Par « les Puissances, » il faut entendre en réalité l’Angleterre. Il est conforme aux traditions de la politique britannique que les avenues d’Anvers, le grand port d’une Belgique qui a cessé d’être neutre, soient sous la dépendance de la Hollande, surtout au moment où l’élan des

  1. Article 31. — Voyez, sur cette question, l’Escaut et le Rhin, par l’amiral Degouy, dans la Revue du 1er juillet 1920.