Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/564

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

politique du Rhin. On ne peut pas s’exagérer leur rôle. Elles forment la clef de voûte de l’édifice construit par la France. Comme les hôpitaux et les ouvroirs des sœurs de Saint-Charles, comme les légendes se rattachant au passage des Français, les Chambres de commerce font partie, dorénavant et pour toujours, de la tradition du Rhin et de sa vie réelle.


* * *

Toutes ces mesures de haute civilisation, je ne puis que les énumérer. Est-ce assez pour qu’on se fasse une idée de l’ensemble qu’elles composent ? Il faudrait qu’une prodigalité de faits bien classés nous rendit intelligible ce qu’il y a tout à la fois de méditation et de générosité, d’élan et de sagesse dans cette construction française. Durant ces quinze années, c’est bien autre chose que de la vie économique qui se crée : une société nouvelle s’organise, une société rhénane à la française. Et c’est ici que l’œuvre de la France dépasse lumineusement l’œuvre de la Prusse en 1870. Les Rhénans le savent-ils ? Qu’ils vérifient nos dires. S’ils examinent ce qui vient de naître de toutes ces mesures économiques, ils découvriront une chose étrange, qui éclaire vivement toute l’œuvre de la France en Rhénanie : la naissance d’une nouvelle espèce d’hommes, l’apparition d’une nouvelle classe. Une classe dirigeante, et pourtant pas un patriciat, ou du moins un patriciat perpétuellement renouvelable.

Il se forme dans ces départements de la Rhénanie une catégorie, — moins fixe qu’une caste, plus consciente de sa responsabilité qu’une simple classe professionnelle, — une catégorie de notables, connus et protégés par le Gouvernement, qui font partie des conseils municipaux, des tribunaux de commerce, des Chambres de commerce, qui vont à Paris au Conseil général du commerce ou des manufactures, qui représentent à l’occasion leurs départements dans la capitale de l’Empire. Le maire de Crefeld, le grand fabricant de soieries, F. von der Leyen fut appelé au Corps Législatif en 1804 ; le grand commerçant mayençais Henri von Mappes au « Conseil général du commerce. » Beaucoup de ces notables sont chevaliers de la Légion d’honneur.

Ils composent ces corps et achèvent de s’y former. Ils y apprennent à se détacher de soi et à songer au bien public. Ils