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— Mon Dieu ! Mon Dieu ! Soyez béni !

Quand Sazonow me raconte ces détails, je lui cite une parole que le P. Gratry prononçait vers 1863 : « Depuis le partage de la Pologne, l’Europe est en état de péché mortel. »

— Alors, reprend-il, j’ai bien travaillé pour le salut de l’Europe !

De la Pologne, nous passons à la Turquie. Sazonow propose aux Gouvernements français et britannique de se joindre à lui pour déclarer au Gouvernement ottoman : 1° Si la Turquie observe une stricte neutralité, la Russie, la France et l’Angleterre lui garantissent l’intégrité de son territoire. 2° A la même condition, les trois Puissances alliées s’engagent, en cas de victoire, à faire insérer dans le traité de paix une clause qui émancipe la Turquie de la tutelle oppressive que l’Allemagne lui a imposée dans l’ordre économique et financier ; cette clause stipulerait, par exemple, l’annulation des contrats relatifs au chemin de fer de Bagdad et aux autres entreprises allemandes.

Je félicite Sazonow de cette double proposition, qui me paraît la sagesse même ; j’insiste d’ailleurs sur le premier paragraphe :

— Ainsi, même si nous sommes victorieux, la Russie ne formulera aucune prétention d’ordre territorial ou politique envers la Turquie ?… Vous comprenez l’importance que j’attache à ma question ; vous n’ignorez pas en effet que l’indépendance absolue de la Turquie est un des principes directeurs de la diplomatie française.

Sazonow me répond :

— Même si nous sommes victorieux, nous respecterons l’indépendance et l’intégrité de la Turquie, pourvu qu’elle reste neutre. Tout au plus demanderons-nous qu’un régime nouveau soit institué pour les Détroits, régime qui serait également applicable à tous les États riverains de la Mer-Noire, Russie, Turquie, Bulgarie et Roumanie.


Lundi, 17 août 1914.

Les troupes françaises progressent dans les Hautes-Vosges et dans la Haute-Alsace. Les troupes russes prennent une vigoureuse offensive aux contins de la Prusse orientale, sur la ligne de Kowno à Koenigsberg.

Le manifeste aux Polonais défraie toutes les conversations. L’impression générale demeure excellente. Il n’y a de critique,