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sera publié prochainement par le Grand-Duc Nicolas et que Sa Majesté m’a ordonné de préparer.

— Bravo ! C’est un geste magnifique et qui aura, non seulement parmi les Polonais, mais en France, en Angleterre, dans le monde entier, un retentissement énorme… Quand le manifeste sera-t-il publié ?

— D’ici à trois ou quatre jours… J’ai soumis mon projet à l’Empereur, qui l’a approuvé dans l’ensemble ; je l’envoie ce soir au Grand-Duc Nicolas, qui aura peut-être quelques modifications de détail à demander.

— Mais pourquoi l’Empereur confie-t-il au Grand-Duc la publication du manifeste ? Pourquoi ne le publie-t-il pas lui-même, comme un acte direct de sa volonté souveraine ? L’effet moral en serait beaucoup plus éclatant.

— C’était aussi mon idée première. Mais Gorémykine et Maklakow, qui sont hostiles à la reconstitution de la Pologne, ont fait observer, non sans raison, que les Polonais de Galicie et de Posnanie sont encore sous la domination autrichienne et prussienne ; que la conquête de ces deux provinces n’est qu’une prévision, une espérance ; que, dès lors, l’Empereur ne peut dignement s’adresser, en personne, à de futurs sujets ; que le Grand-Duc Nicolas, au contraire, n’excéderait pas son rôle de généralissime russe, en s’adressant aux populations slaves qu’il vient délivrer… L’Empereur s’est rallié à cette opinion…

Puis, nous philosophons sur l’accroissement de force que la Russie acquerra par la réconciliation des deux peuples slaves sous le sceptre des Romanow. L’expansion, du germanisme vers l’Est sera ainsi définitivement arrêtée ; tous les problèmes de l’Europe orientale prendront, au profit du slavisme, un aspect nouveau ; enfin et surtout, un esprit plus large, plus compréhensif, plus libéral, s’introduira dans les rapports du tsarisme avec les groupes allogènes de l’Empire.



Vendredi, 14 août 1914.

Sur la foi de je ne sais quelles rumeurs venues de Constantinople, on s’imagine, à Paris et à Londres, que la Russie médite d’attaquer la Turquie et qu’elle réserve une partie de ses forces pour cette prochaine agression. Sazonow, qui en a été informé simultanément par Iswolsky et par Benckendorff, m’exprime