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« Son roman n’a eu aucun succès, et a été généralement blâmé. On n’a même pas compris qu’il se soit jeté dans cette vilenie ; il faut qu’on l’y ait poussé, car le procédé est contraire à ses antécédents, à moins qu’il n’ait cru pouvoir se permettre avec une femme ce qu’il n’avait jamais fait jusqu’ici. À votre place, je me vengerais en parlant en très bons termes du poète… vous pouvez dire votre mot à ceux qui prétendent le défendre sans mission, et sans même connaître les choses dont ils parlent. Je le disais au marquis de la Vilette : « Jamais, dans une intimité de quinze ou vingt ans, Alfred ne m’a dit un mot de son frère ; Paul, au contraire, m’a souvent dit beaucoup de mal de son frère Alfred. Paul existait-il pour Alfred ? Et il veut se mêler de ce qu’il ne sait pas ! » Le marquis se plaignait au nom de Paul de la destruction des lettres remises à M. Papet[1] : « Aurait-il voulu qu’on les lui rachetât ?… Voilà, ajoutai-je encore, ce que peut toujours répondre une femme aux plaintes de ce genre, et la réplique est formidable, monsieur… Le marquis n’eut rien à répondre[2]. »

Parlant du roman autobiographique de George Sand, M. Clouard a écrit : « Vingt mois après la mort d’Alfred de Musset, Elle et Lui parut. Grand tapage au profit de Buloz, mais scandale énorme, et qui retomba sur l’auteur ; le blâme fut général, et il suffit de lire les journaux de l’époque pour s’en assurer. »

La presse fut certainement défavorable au roman de George. Mais elle le fut aussi à celui de Paul de Musset. Cependant, si la critique blâma le procédé des deux écrivains, elle ne s’occupa vraiment, au point de vue littéraire, que de l’œuvre de George Sand ; ses adversaires les plus hostiles ne purent éviter de reconnaître la supériorité d’Elle et Lui sur Lui et Elle.

Le blâme le plus sévère fut infligé à George Sand par Ulrich Guttinguer dans la Mode (Guttinguer fut, on le sait, un ami très fidèle d’Alfred de Musset) ; sa critique d’Elle et Lui (Les pensées improvisées) est sans pitié : « Le lecteur jugera si elle est méritée, » dit-il.

La Correspondance littéraire suivit la publication d’Elle et Lui

  1. Papet n’avait pas brûlé les lettres ; George les confia vers cette époque à Mancean, en le priant de les détruire ; il n’en fit rien. (V. la Véritable histoire… etc.)
  2. Collection S. de Lovenjoul, F. 34, 23 mai 1859, inédite.