Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/502

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

philosophique douceur que mon cœur de femme en a trouvé et conservé… » Ce n’est pas là répondre. La mansuétude, la philosophique douceur, ne sont pas l’exactitude. Volontaires ou non, les erreurs, — ou les omissions, — existent dans l’Histoire de ma vie.

Au cours de ces mémoires, après avoir tracé de Gustave Planche un portrait fort vivant, elle explique qu’elle dut se séparer de ce critique austère, parce qu’il lui attirait des inimitiés, — pauvre raison. « J’hésitai beaucoup. Il était malheureux par nature, et il avait pour moi un dévouement qui paraissait en dehors de sa nature[1]. » D’ailleurs, nous savons qu’ils se séparèrent après l’aventure de Musset, et que le pauvre Planche fut, de cette séparation, infiniment malheureux. George, dans l’Histoire de ma vie, glisse sur ces faits, et peut-être a-t-elle raison ; il n’est pas moins vrai que les prétextes qu’elle donne pour rompre avec une amitié si rare, et qui aurait dû lui sembler si précieuse, paraissent puérils.

D’ailleurs, on a vu[2]que, depuis cette rupture bruyante, une réconciliation eut lieu, et que George retrouva plus tard le dévouement de son ancien ami aussi dévoué et fidèle que par le passé.

Après la mort de Gustave Planche, George Sand fut sollicitée par le frère du critique, qui lui demanda de publier une lettre à l’éloge du défunt. Cette lettre, George l’écrivit et l’envoya au directeur de la Revue, en le priant de l’insérer dans son recueil. « Vous savez (entre nous), lui dit-elle dans un billet qui accompagnait l’envoi, que j’ai été longtemps brouillée avec lui par suite de propos, dont j’ai reconnu plus tard la fausseté.

« C’est donc de grand cœur que je cède au désir de M. et Mme Planche. »

Pourtant, F. Buloz, qui avait d’autres projets, n’inséra pas la lettre. Il ne put s’empêcher de déclarer à George que « M. et Mme planche se remuent beaucoup pour le pauvre mort, qu’ils désespéraient déjà de son vivant, en intervenant bon gré mal gré dans ses affaires. » « J’ai eu vingt fois la preuve de l’irritation qu’ils lui causaient par leurs singulières démarches[3]. »

  1. G. Sand, histoire de ma Vie, vol. 4, page 282.
  2. Voir au volume II : François Buloz et ses amis, La Revue des Deux Mondes et la Comédie française, page 112.
  3. Voir vol. I, François Buloz et ses amis, La Vie littéraire sous Louis-Philippe, l’estime que F. Buloz témoignait à Planche.