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charmant, sans nul doute, serait la Mare au Diable, ce petit drame qui commence comme une églogue de Virgile, et qui finit par la description pittoresque des noces de campagne… » Ainsi s’exprime Mazade.

En revanche, il blâme la multitude d’œuvres dramatiques ourdies par George : Favella, Lucie, Françoise, la Daniella, etc. cette incompréhensible et insipide vision d’Evenor et Leucippe qui n’exprime ni un idéal saisissable, ni la vérité humaine.

Sévère, oui ; injuste ? non.

Le critique l’est cependant pour l’Histoire de ma vie. En relisant froidement son article, j’y vois l’influence de F. Buloz, outré des allusions légères que G. Sand fait dans ces Mémoires à la Revue des Deux Mondes, et plein de rancune encore pour la comédie que joua naguère l’auteur, après la rupture de Venise, — à propos de son projet de Mémoires[1]… F. Buloz lui en voulait : il faut avouer qu’il y avait de quoi. Pour nous, actuellement, l’Histoire de ma vie demeure une relation d’un très vif intérêt, peut-être même est-ce l’œuvre de George Sand qui défiera le mieux les années.

Charles de Mazade reproche à George d’avoir écrit là son autobiographie ; mais n’a-t-elle pas intitulé ce livre Histoire de ma vie ! D’ailleurs les romans autobiographiques sont parmi ceux qui nous retiennent, parce que nous y sentons la vérité attrayante et cachée ; pour la même raison, sans doute, et plus forte encore, quand la fiction n’y a aucune part, les mémoires ne sont-ils pas la seule lecture qui ne nous lasse jamais ? Après avoir fait ce reproche à l’auteur, Mazade critique encore son manque d’exactitude. Mais pouvait-elle tout dire ?

Si c’est une indiscrétion blâmable de dévoiler au public le mystère de sa vie, et celui de la vie des siens, est-ce une faute d’égarer son lecteur par le changement de quelques dates, et l’atténuation de certains faits ? — Oui, affirme Mazade.

On se souvient que l’auteur de l’Histoire de ma vie traite cavalièrement, dans cet ouvrage, la personne de son directeur. Il gratifie même celui-ci de quelques épithètes qui ne sont pas pour lui plaire. Deux attaques, entre autres, le blessèrent plus vivement. George en fait un Suisse, alors qu’il est né en 1804 sur la terre française. Elle l’appelle « Genevois têtu et brutal, » et il

  1. Voir le 1er volume de cet ouvrage, chapitre VI : Elle et lui