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en faire l’ascension ? J’ai dû objecter la santé de son frère, qui aurait pu perdre ainsi tous les bénéfices des eaux d’Aix[1]… »

George Sand revenant à son « ancienne patrie » y trouva certains changements, des places vides, des rédacteurs nouveaux. F. Buloz dut lui envoyer les dix dernières années de la Revue qu’elle ne connaissait pas, et qu’elle désira parcourir… Elle y lut pour la première fois le nom d’Eugène Fromentin, « l’homme de ce temps-ci qui écrit le mieux, » selon elle, ou, du moins, le plus à son goût, et elle trouve aussi que le directeur a eu « très bon nez » de le prendre. La camaraderie, pourtant, n’est pour rien dans l’appréciation de George : elle n’a jamais vu Eugène Fromentin.

À tout prendre, elle juge que F. Buloz a créé « en somme, avec une louable persévérance, un recueil d’une valeur réelle. » Cependant, elle fait des critiques ; les voici : « … Tout n’est pas également bon : il y a, par exemple, des articles contre moi que, naturellement, je trouve bêtes… je vous ai trouvé mauvais envers moi. » Et ici, George fait allusion a l’article de Mazade sur George Sand, ses mémoires et son théâtre[2].

Certes, l’article de Mazade est assez dur. Il aborde l’œuvre de George, blâme son théâtre, condamne ses Mémoires, et n’apprécie guère ses romans sociaux. Pour les romans sociaux, beaucoup de gens furent de l’avis de Mazade, et il paraît hors de doute qu’Indiana, Valentine et Mauprat sont supérieurs à Horace, au Compagnon du Tour de France et au Meunier d’Angibault. Le hasard voulut que ces romans fussent écrits par la George Sand dissidente, et Mazade remarque : « Mme Sand met le radicalisme et l’illuminisme démocratique dans ses contes. Elle fait des ouvriers déclamateurs, des paysans presque philosophes. Dans ces personnages, on cherche des hommes, on trouve des sophismes qui marchent… etc. »

Mazade reconnaît pourtant que la « dissidente » écrivit d’autres romans, et charmants : la Mare au Diable, la Petite Fadette, le Champi. S’il fallait absolument choisir entre ces « quelques récits, pleins d’une saveur agreste, écrit-il, le plus

  1. Collection S. de Lovenjoul, 30 juillet 1858, inédite. Mais George n’a jamais été à Chillon, et elle l’affirme à son ami qui répond : « Nous avons bien regardé votre nom, et ma femme et ma fille s’extasiaient sur le jambage du D. qui seul leur aurait fait reconnaître, disaient-elles, votre signature… » (14 août 1858).
  2. 15 mai 1857.