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l’hôtel Parker, et dont il avait remarqué le type particulier.

La même impression le saisit à nouveau, s’accompagnant d’un obscur réveil d’anciens souvenirs, lorsque le jeune homme, s’avançant vers Archer, leva son chapeau et dit en anglais :

— Il me semble que nous nous sommes rencontrés à Londres, Monsieur ?

— Mais oui, je me souviens, répondit Archer, en lui serrant cordialement la main. Alors, vous êtes venu malgré tout, continua-t-il, en reconnaissant avec curiosité le visage intelligent du petit précepteur avec qui il avait dîné chez Mrs Carfry.

— Je suis venu, dit M. Rivière, avec un sourire nerveux, mais pas pour longtemps. Je repars après-demain.

Comme Archer le priait à déjeuner, il lui demanda seulement à Archer la permission d’aller le voir dans la journée. Archer fixa une heure, et griffonna son adresse.

M. Rivière fut exact au rendez-vous. Ce fut lui qui, avant même d’accepter un siège, ouvrit brusquement l’entretien :

— Je crois vous avoir vu, monsieur, hier à Boston.

Archer allait formuler un mot d’assentiment quand les paroles furent arrêtées sur ses lèvres par quelque chose de mystérieux et cependant de significatif dans le regard insistant de son visiteur.

— C’est étrange, continua M. Rivière, que nous nous soyons rencontrés dans les circonstances où je me trouve.

— Quelles circonstances ? interrogea Archer, en se demandant si le précepteur avait besoin d’argent.

M. Rivière persistait à scruter Archer de ses yeux interrogateurs.

— Je suis venu, non pour chercher un emploi, comme je l’avais envisagé lors de notre conversation à Londres, mais pour une mission particulière.

— Ah ! s’écria Archer. En un éclair, les deux rencontres, celle de Boston devant l’hôtel, celle de ce matin à la gare, s’étaient liées dans son esprit ; il s’arrêta pour considérer la situation qui se révélait soudain. M. Rivière, lui aussi, restait silencieux.

— Une mission particulière, répéta enfin Archer. Sa voix résonnait sèchement ; il se sentit maîtrisé par un mouvement de jalousie et de défiance. Tous les doutes suggérés par le dossier de la comtesse Olenska, et toujours refoulés, s’éveillaient en lui. Il fit un effort pour prier M. Rivière de s’asseoir.