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— Avec cette offre ?

— Oui.

— Et vous avez refusé à cause des conditions ?

— J’ai refusé.

Il se rassit à côté d’elle :

— Quelles étaient les conditions ?

— Elles n’étaient pas bien onéreuses : m’asseoir en face de lui à table, de temps à autre.

Il y eut un silence. Archer se sentit subitement muré dans le noir, dans l’impossibilité de trouver une parole.

— Il veut vous ravoir à n’importe quel prix ? dit-il enfin

— À un prix considérable… Du moins, pour moi la somme est considérable.

— Vous êtes venue ici pour le rencontrer ?

— Le rencontrer ? Lui, mon mari ? Dans cette saison, il est toujours à Cowes ou à Bade.

— Il a envoyé quelqu’un ?

— Oui.

— Avec une lettre ?

— Chargé d’un message… Il n’écrit jamais ; hors une lettre que j’ai reçue de lui, je ne me souviens pas qu’il m’en ait écrit aucune autre.

Cette allusion fit monter le sang à ses joues, pendant qu’Archer, de son côté, rougissait aussi.

— Pourquoi n’écrit-il jamais ?

— Pourquoi écrirait-il ? À quoi servent les secrétaires ?

Elle avait prononcé le mot comme n’ayant pas plus d’importance qu’un autre.

La question montait aux lèvres d’Archer : « Est-ce son secrétaire qu’il a envoyé ? » mais le souvenir de la seule lettre du comte Olenski à sa femme lui était trop présent. Il hasarda :

— Et le messager…

— Le messager, reprit Mme  Olenska, toujours souriante, aurait pu déjà repartir ; mais il a voulu rester jusqu’à ce soir, afin de me donner le temps de réfléchir…

— Et vous étiez eh train de réfléchir ?

— Non, car mon parti est pris. Je suis sortie pour respirer. On étouffe à l’hôtel. Je repars cet après-midi pour Portsmouth.

Archer se leva, jeta un regard sur ce parc où l’été suffocant mettait comme une souillure.