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déterminante de l’exode italien, tend à prouver que l’Italie s’est spontanément exclue de la Conférence et a relevé ses alliés de leurs engagements envers elle. M. Wilson tient rigueur à M Poincaré de sa déclaration an journal France-Italie !

Le ; comte Bonin-Longare, ambassadeur d’Italie à Paris, et M. de Martino, secrétaire général de la délégation italienne, s’aperçoivent du tort que porte à leur pays la prolongation de l’absence de ses plénipotentiaires. Ils en avisent Rome. Interrogé par le premier, M. Clemenceau n’a pas caché l’intérêt de l’Italie à ce que ses délégués fussent présents à la remise du traité de paix aux Allemands et reprissent la conversation directe sur l’Adriatique. M. Lloyd George s’est exprimé dans le même sens avec le marquis Imperiali, ambassadeur d’Italie près le gouvernement anglais. Dans ces conditions, hâtant leur retour MM. Orlando et Sonnino reprennent, le 5 mai le chemin de Paris.

La presse n’a pas attendu ce moment pour traduire la déception et la rancœur des Italiens à notre égard. Leurs sentiments s’exhalent avec d’autant plus de violence que l’espoir les a plus longtemps maintenus dans l’expectative. Un mouvement général d’opinion se dessine contre nous. Critiques, récriminations, attaques pleuvent. Les journaux en sont remplis, les propos en abondent. Tout devient prétexte à grief : la réception des plénipotentiaires autrichiens à Saint-Germain, la diplomatie française à Vienne, le partage colonial anglo-français, etc. Une acrimonie a envahi les cerveaux, qui obscurcit le raisonnement, empêche d’apprécier à leur valeur les résultats concrets de la guerre, fait prendre en mauvaise part toute nouvelle arrivant de Paris, voir partout l’Italie sacrifiée, méconnue par des alliés ingrats, par la France surtout. Dans l’expression de cette injuste irritation, aucune mesure, et parfois l’excès le plus pénible.

Cette explosion n’est, dira-t-on, que le réveil inéluctable de tendances germanophiles ou d’antipathies francophobes, contenues par la discipline du temps de guerre et ranimées par le premier prétexte, qui se soit offert. Alors comment expliquer que l’immense majorité du même peuple eût fait la révolution, en 1914, plutôt que d’entrer en guerre aux côtés des Empires centraux ; l’eût faite encore, en 1915, plutôt que de ne pas entrer en guerre à nos côtés ; nous ait porté aux nues aux moments les plus glorieux et les plus critiques de la lutte ait célébré le 14 juillet 1918 comme fête nationale italienne avec un enthousiasme