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à rester fidèle, non seulement à ses engagements, mais à son intime amitié avec l’Italie. Il n’en est que plus fâcheux que pareille question ait pu se poser à l’esprit des Italiens, car c’est là un doute qui ne pouvait que les troubler gravement et, même dissipé, laisser des traces.

M. Orlando et M. Sonnino comprenaient parfaitement que leur absence de Paris ne pouvait suspendre l’élaboration de la paix. Ils ne voyaient donc pas d’inconvénient à ce que les délibérations continuassent à trois, sur les points restant à régler du traité avec l’Allemagne, et à ce que les conditions fussent consignées aux plénipotentiaires allemands, tout en n’admettant pas que la paix, du reste encore lointaine, pût être signée sans la participation de l’Italie. Ils regardaient naturellement de plus près à ce qui touchait l’Autriche et la Hongrie. Aussi, M. Clemenceau ayant, au début de mai, notifié à l’ambassadeur d’Italie à Paris l’intention de la Conférence de convoquer les plénipotentiaires autrichiens et hongrois vers le 15 mai, M. Sonnino s’émeut-il. Il ne peut accepter, dit-il, que ces plénipotentiaires soient convoqués sans accord préalable avec lui et alors que l’entente n’est pas établie avec la principale intéressée, c’est-à-dire l’Italie, sur les conditions de paix à leur présenter. Ainsi la retraite provisoire des délégués italiens, déterminée par le message de M. Wilson sur la question adriatique, aboutit-elle à une divergence entre eux et les autres délégations sur ce qu’il est possible de faire en leur absence. Et le lourd privilège de présider la Conférence fait, en apparence, assumer à notre premier plénipotentiaire la responsabilité de cette divergence.

C’est alors que, de nouveau, les projets transactionnels se font jour ; les ambassadeurs de France, de Grande-Bretagne et des États-Unis à Rome, sur l’initiative, croyons-nous, du représentant de la République française, proposent à leurs gouvernements une solution établie sur les bases suivantes : Fiume à la Société des Nations, avec présidence italienne d’un Directoire international chargé de gouverner la ville, jusqu’à l’achèvement d’un port à construire pour la Yougo-Slavie à Buccari, par les soins d’un consortium international, et jusqu’au raccordement de ce port par voie ferrée à la ligne d’Agram ; après exécution de ces travaux dans un délai déterminé, Fiume à l’Italie ; la Dalmatie aux Yougo-Slaves, moins Zara et Sebenico ; l’une de ces deux villes à l’Italie et l’autre à la Société des