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Car les Yougo-Slaves ont invoqué l’attribution de Fiume a la Croatie par la Convention de Londres ; et nous n’en avons pas moins consenti à revenir sur cette stipulation[1]. Car les Yougo-Slaves ont fait valoir que la possession de Fiume leur était indispensable, ce port étant leur seul débouché possible sur l’Adriatique[2] : et nous n’en avons pas moins admis que la possession leur en fût soustraite.

Suivies en Italie avec cette passion, les conversations se poursuivent laborieusement à Paris, entre les quatre premiers plénipotentiaires, les big four, comme disaient les Anglais, quand, le 23 avril, le Temps paraît contenant un message public de M. Wilson, dont la délégation italienne a connaissance par la lecture du journal. Ce message, dont la fin contient un appel direct du Président des États-Unis au peuple italien, fait à la question adriatique l’application des principes connus de M. Wilson, déclare que les dispositions de la Convention de Londres, d’ailleurs nulles et non avenues pour lui, avaient pu se justifier par l’existence de l’Autriche-Hongrie, mais avaient perdu toute raison d’être depuis la disparition de cette Puissance, conclut enfin en limitant, à l’Est, la légitime extension territoriale de l’Italie a la ligne de partage des eaux en Istrie.

Rien dans ces idées qui puisse surprendre les négociateurs italiens. Le fond du message ne diffère pas sensiblement de celui d’un mémorandum que M. Wilson a remis le 14 avril à M. Orlando. Mais la remise de ce mémorandum a eu lieu à titre personnel. Comme M. Orlando a, alors, annoncé à M. Wilson l’intention de se retourner vers M. Clemenceau et M. Lloyd George, pour chercher avec eux un terrain d’entente, le Président des États-Unis l’y a encouragé. Aucun indice n’a, par la suite, fait penser à M. Orlando que M. Wilson refusât a priori de laisser les pourparlers se développer. Puis, tout à coup, est apparue l’intransigeance absolue et, enfin, le coup de théâtre : le message !

C’est la première fois que, sans aucun avis préalable, un

  1. Qui n’était nullement un engagement envers eux, puisque ni Yougoslavie, ni Croatie, et pour cause, n’étaient parties à la Convention de Londres.
  2. Il faut croire que la disposition de ce débouché n’en exigeait pas absolument la possession, puisque France et Angleterre acceptaient de placer Fiume sous la souveraineté de la Société des Nations, et que M. Trumbitch lui-même a plus tard négocié et traité avec le Gouvernement italien sur la base de l’autonomie ou de l’indépendance de Fiume.