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de guerre austro-hongrois. Les Italiens ne leur en ont guère su gré et la plupart s’en sont à peine avisés.

Ils se sont bien à tort formalisés de ce que quelques torpilleurs français eussent été promener notre pavillon dans le bassin septentrional de l’Adriatique. Combien à distance paraissent vaines les méfiances d’alors ! L’involontaire ombrage que les rares croisières de deux ou trois torpilleurs ont pu porter à nos pointilleux alliés ne justifiait nullement les philippiques qui ont éclaté dans la presse de la Péninsule. Bien des mois plus tard, un journaliste romain de talent ne craindra pas d’écrire des « éphémérides adriatiques, » où l’on voit que des officiers français ont dansé tel jour dans un cercle yougo-slave, et qu’un de nos bâtiments a dirigé telle nuit son projecteur sur un navire italien. Après quatre ans de fraternité d’armes, sur terre et sur mer, il y avait, Dieu merci ! d’autres éphémérides à écrire. Mais, dans un tel état d’esprit, le tour de valse d’un enseigne à Fiume a pris aux yeux de certains une portée politique. L’Adriatique était devenue, si l’on peut dire, le siège des susceptibilités nationales.

Bientôt ces susceptibilités se sont concentrées sur Fiume. De concentration en concentration, elles n’en devenaient que plus redoutables.

Fiume n’est pas parmi les territoires dont l’armistice stipulait l’occupation par l’armée italienne. Au-delà de la zone d’armistice, aucune ligne de démarcation ne fut tracée entre les occupations qui incomberaient, en cas de besoin, au groupe des armées alliées d’Orient (général Franchet d’Esperey) et à celui des armées italiennes (général Diaz). Mais le gouvernement français eut soin de demander au gouvernement italien s’il n’avait pas d’objection à ce que l’armée d’Orient occupât des points situés en dehors des limites de la Convention de Londres. M. Orlando et M. Sonnino répondirent qu’ils n’y pouvaient avoir aucune objection. Fiume était en dehors de ces limites. Des dispositions furent prises pour l’occuper. Nous doutons que ce fût une bonne inspiration de choisir, pour cette occupation, un bataillon serbe. Fiume est un port de population mixte ; la ville proprement dite est habitée par des Italiens ou italianisants ; le faubourg, Sussak, par des Slaves. Le premier groupe ethnique est le moins nombreux, mais il est compact et constitue la plus forte agglomération italienne de toute la côte orientale