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politique, qu’il avait déjà prononcées à la Chambre des députés et au Sénat du Royaume, dénoncé, comme suscitées et entretenues par l’astuce autrichienne, la défiance et la rivalité mutuelles des races italienne et yougo-slave, préconisé enfin l’adoption d’une politique qui fût propre à créer entre elles la solidarité, et qui se confond à peu près avec celle des promoteurs du pacte.

Ce n’est certainement pas sans accord préalable avec son ministre des Affaires étrangères, le baron Sonnino, que M. Orlando avait reçu et harangué en ces termes les congressistes. Dans quelle mesure l’assentiment de M. Sonnino impliquait-il son accord réel avec le président du Conseil sur le fond de l’allocution présidentielle ? C’est ce qu’il est très difficile de déterminer avec certitude.

M. Sonnino n’était pas irréductiblement hostile à la politique des nationalités. Il était beaucoup trop avisé pour ne pas apercevoir le parti matériel et moral que les Alliés pouvaient en tirer et le devoir qui s’imposait à eux de la pratiquer, au point où l’immense conflit en était arrivé. En effet, le général Stefanik et M. Bénès avaient trouvé tout concours auprès de lui, en faveur de la cause tchéco-slovaque, et sous ses auspices avaient été conclus des arrangements entre le gouvernement italien et eux. Les Polonais avaient rencontré de sa part mêmes dispositions et même accueil. Enfin, il avait souscrit séance tenante à un projet de déclaration, dont il avait été saisi, dès la fin de 1917, par notre ambassadeur à Rome, M. Barrère, bien que la teneur en fut d’intonation nettement sympathique aux aspirations des « nationalités soumises, soit à la couronne d’Allemagne, soit à celle d’Autriche-Hongrie. »

Mais M. Sonnino était retenu d’adhérer à la politique du pacte de Rome par plusieurs considérations. D’abord, par la crainte de surcharger, en engageant les gouvernements à fond dans cette politique, les buts de guerre de l’Entente, au moment même où la partie la plus avancée de l’opinion publique en réclamait la réduction. Ensuite, par l’appréhension d’affaiblir l’autorité de la Convention de Londres, implicitement mise en question dans tout rapprochement italo-yougo-slave : non qu’il se dissimulât qu’elle serait retouchée lors de la paix ; mais il tenait à pouvoir l’invoquer auprès de ses alliés et l’utiliser comme base de l’inévitable transaction avec les tiers intéressés. Enfin, par une répugnance à se lier les mains envers les