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I. — CONVENTION DE LONDRES. — PACTES DE CORFOU ET DE ROME

Fiume n’est pas au nombre des territoires revendiqués par l’Italie au moment de son entrée en guerre. Ces territoires sont énumérés dans la convention conclue à Londres, le 26 avril 1915, entre l’Angleterre, la France, l’Italie et la Russie. Non seulement Fiume n’y est pas comprise, mais elle est mentionnée (article 5) comme devant revenir à la Croatie.

La Convention de Londres affecte la forme d’un mémorandum, communiqué par le gouvernement italien aux trois autres contractants, qui déclarent y donner leur plein assentiment et le transforment de ce fait en un traité à quatre. Elle est donc censée représenter les propositions formulées par l’Italie elle-même et agréées par ses trois nouvelles alliées. Il ne s’ensuit pas que ces propositions n’aient pas été soumises à une discussion, au cours de laquelle ont pu se produire des éliminations. Fiume a-t-elle fait l’objet d’une élimination ? Nous ne le croyons pas. Nous croyons au contraire qu’à aucun moment de la négociation, le gouvernement italien n’a élevé de prétention sur Fiume.

Il lui a été vivement reproché depuis lors de ne l’avoir pas fait. Les adversaires de MM. Salandra et Sonnino[1] leur ont fait grief d’avoir omis Fiume, parmi les acquisitions territoriales stipulées en faveur de leur pays, et plus encore d’en avoir admis l’attribution expresse à la Croatie. Dédaigneux des attaques, M. Sonnino ne s’est pas défendu contre ce reproche. M. Salandra y a répondu, en alléguant que son gouvernement avait dû compter avec les vœux de la Russie, alors puissante et protectrice attitrée des Slaves. Mais il lui a été répliqué que, renseignements pris auprès de M. Sazonoff[2], la Russie n’avait pas eu à refuser Fiume à l’Italie, parce que l’Italie ne la lui avait pas demandée. Entre ces deux assertions, la contradiction peut être plus apparente que réelle, le gouvernement italien ayant pu s’abstenir de revendiquer Fiume parce qu’il avait des raisons de croire à l’opposition du gouvernement russe. Mais surtout la polémique à ce sujet est vaine, pour une raison que,

  1. Respectivement président du Conseil et ministre des Affaires étrangères en 1915.
  2. Ancien ministre des Affaires étrangères du Tsar.