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militairement son alliée, nous serions impuissants à nous défendre du côté de la Pologne et de la Prusse orientale… La France n’est-elle pas aussi intéressée que nous à ce que nous puissions intervenir promptement contre l’Allemagne ?

— Vous invoquez là des considérations fortes. J’estime néanmoins que votre État-major ne doit prendre aucune mesure avant d’en avoir conféré avec l’État-major français. Veuillez dire de ma part à M. Sazonow que j’appelle sur ce point sa plus sérieuse attention et que je désire avoir sa réponse dans le cours de cette nuit.


Jeudi, 30 juillet 1914.

A peine Basily est-il rentré au Ministère des Affaires étrangères que Sazonow me prie, par téléphone, de lui envoyer mon premier secrétaire, Chambrun, « pour une communication très urgente. » En même temps, mon attaché militaire, le général de Laguiche, est appelé à l’État-major général. Il est minuit trois quarts.

L’empereur Nicolas, qui a reçu, dans la soirée, un télégramme personnel de l’empereur Guillaume, a décidé, en effet, de surseoir à la mobilisation générale ; car l’empereur Guillaume lui affirme qu’ « il s’emploie, de toutes ses forces, à favoriser une entente directe entre l’Autriche et la Russie. » Le Tsar a pris cette décision de son autorité propre, malgré la résistance de ses généraux qui lui ont représenté une fois de plus les inconvénients, les périls même d’une mobilisation partielle. Je n’annonce donc à Paris que la mobilisation des treize corps russes, destinés à opérer éventuellement contre l’Autriche.

Ce matin, au réveil, les journaux nous apprennent que l’armée austro-hongroise a préludé hier soir à l’attaque de la Serbie par le bombardement de Belgrade.

La nouvelle, qui se propage aussitôt dans le public, y provoque une émotion violente. De tous côtés, on me téléphone pour me demander si j’ai quelques détails sur l’événement, si la France est résolue à soutenir la Russie, etc. Des groupes animés discutent dans les rues. Et, devant mes fenêtres, sur