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plus que nous n’avons touché, il se trouve que ce sont, en réalité, nos avances qui ont permis à l’Allemagne de s’acquitter envers l’Angleterre. Bravo pour les experts de Spa ! Je parle, bien entendu, des experts anglais.

La leçon, je pense, nous servira. MM. Seydoux et Cheysson, qui nous ont représentés à Bruxelles, n’ont aucune responsabilité dans les fautes précédemment commises ; ce sont des hommes d’une compétence éprouvée; ils ont certainement fait tout ce qui dépendait d’eux pour nous remettre dans le bon chemin. Mais la procédure établie reste pleine de tours et de détours, et il est impossible de prévoir ce qui restera de notre créance, quand elle aura traversé tous les cribles où elle doit passer. Il est fort à craindre que de chaque épreuve elle ne sorte allégée de quelques milliards.

Quoi qu’il en soit, ne perdons pas de vue cette vérité que, plus nous céderons aujourd’hui à l’Allemagne, plus nous serons forcés de lui céder demain. Elle n’aurait pas osé, il y a un an, proclamer que ses armées n’ont pas été vaincues; elle n’aurait pas osé parler de revanche, railler la France, jouer aussi effrontément la comédie de la misère, se flatter bruyamment que le Traité ne serait jamais exécuté. M. Viviani lui a répondu fort à propos, devant l’Assemblée de Genève, lorsqu’il lui a éloquemment rappelé ses responsabilités dans la guerre et lorsqu’il lui a barré, jusqu’à nouvel ordre, les avenues de la Société des nations. Soyons sûrs que, si nous nous montrons faibles envers elle, non seulement elle gagnera à la main, mais elle nous méprisera. Elle a conservé, dans sa défaite, le double respect de la force matérielle et de la force morale. Je ne veux pas du tout dire par-là qu’elle n’obéisse qu’à la peur. Nullement. Elle est courageuse et elle a elle-même, pour son propre compte, la volonté de puissance. Mais cette sorte de religion qu’elle professe pour tout ce qui est fort, cette admiration qu’elle a pour l’énergie humaine, cette confiance orgueilleuse que lui inspirent ses qualités héréditaires, la portent souvent à voir dans la bienveillance et dans la générosité d’autrui des signes d’hésitation et de timidité ; et il n’y a rien qui puisse plus que notre faiblesse réveiller en elle ses instincts ataviques de conquête et sa passion de primauté. C’est là que réside l’éternel malentendu entre certains d’entre nous et le peuple allemand. Il y a des Français qui ont toujours l’illusion qu’avec un sourire et un geste d’amitié, ils détermineront l’Allemagne à désarmer. Chez nos extrémistes, cette idée simple et naïve devient peu à peu un dogme. Si nous avions, suivant le mot de M. Clemenceau, «bêlé la paix » jusqu’en 1914,