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Des fronts aussi fiévreux mais, eux, plein de génie, —
Traduisaient, les derniers alors, l’Ame infinie.
Dans leur tête le monde atteignait son sommet.
Leur rêve, dernier-né des choses, résumait
Le grand Songe, à ce point culminant des durées.
Ainsi, penses-y plein d’ivresse quand tu crées,
Dignes de gloire ou non, tes vers, tes humbles vers
Sont en naissant l’extrême fleur de l’univers ;
Et bien que leurs mots soient chétifs, — tel que la sève
Qui de la profondeur souterraine s’élève
Et va se propager aux plus frêles rameaux, —
Tout le passé du monde aboutit à ces mots !


ON NE SAIT COMMENT…


On ne sait comment il se fait,
Mais voilà, — la vie est passée.
C’était hier qu’on triomphait
De jeunesse ardente et pressée.

On se jetait, — c’était hier ! —
Dans l’inconnu, l’âme éblouie,
Comme dans une immense mer
En mille écumes rejaillie.

On attendait tout du destin,
La gloire dont- le nom seul dore
Les lèvres, et l’amour certain,
Et le bonheur, et plus encore,

Quelque chose de plus uni
Que l’eau, de plus chaud que la flamme,
Qui ne pouvait qu’être infini
Pour combler l’attente de l’âme.

— Quoi ! rien ne vint ? — Si, l’on avait
Parfois quelque joie espacée…
On ne sait comment il se fait,
Mais voilà, — la vie est passée.