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d’arrêter et de prendre un de nos automobiles sous le prétexte mensonger que le chauffeur avait tiré. »

La troisième journée de la tragédie est celle des obsèques des morts, et là encore, nous saisissons sur le vif la fourberie du parti constantinien. Par suite d’un accord entre le ministre de France, l’amiral Dartige et les autorités grecques, il avait été décidé que les obsèques auraient lieu à Athènes le 4 décembre. Les délégués de l’armée navale conduits par l’attaché naval allèrent en avertir l’archevêque catholique Mgr Petit. Il annonça qu’il présiderait à la cérémonie avec tout son clergé. Mais lorsque les Grecs eurent réfléchi, ils résolurent d’empêcher qu’elle fût célébrée à Athènes. Ils craignaient que les détachements alliés qui y assisteraient ne vinssent armés et nombreux et qu’elle ne servit à couvrir une occupation militaire. Ce n’était pas cependant ce que s’étaient proposé les organisateurs. Seulement, ils considéraient que nos morts avaient droit à un hommage éclatant. Résolus à ne pas laisser les Alliés le leur rendre, les Grecs, dans la nuit du 2 au 3 décembre, enlevèrent les cadavres qui se trouvaient dans les hôpitaux de la capitale et, à l’insu des autorités françaises, ils les transportèrent à l’hôpital russe du Pirée. Le matin du 3 décembre, ces tristes dépouilles n’étant plus à Athènes, l’amiral Dartige se trouvait en présence d’un fait accompli qui rendait singulièrement difficile, sinon impossible, l’exécution du plan primitif, lequel n’aurait pu s’exécuter qu’en infligeant un nouveau déplacement aux victimes. Il dut consentir à ce que les obsèques eussent lieu le même jour 3 décembre à trois heures au Pirée. L’aumônier de l’escadre, l’abbé Revel, fut prévenu de ce changement à dix heures du matin en venant dire sa messe sur le bateau amiral. Comme, en même temps, on lui donnait l’assurance que les nouvelles dispositions étaient connues des intéressés, il ne mit pas en doute qu’elles avaient été communiquées à l’archevêque.

En réalité, personne n’avait été prévenu. C’est seulement vers deux heures et demie que les différents bâtiments de l’escadre reçurent, par la télégraphie sans fil, l’ordre d’envoyer un certain nombre de matelots non armés aux obsèques qui allaient avoir lieu à trois heures. C’est ainsi que l’armée navale fut avertie et qu’à terre, le furent l’attaché naval et le service des renseignements ; le télégramme ne leur était pas adressé,