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en lui demandant de garder secrète sa visite. Il lui révéla qu’ayant appris ce qui se passait dans les réunions des présidents de Ligues, il en avait prévenu le Ministre de l’Intérieur, qui s’était obstiné à ne rien faire : « Hier encore, confia Kyprios à notre attaché naval, des patrouilles de réservistes ont arrêté des vénizélistes. L’un des meneurs a pu cependant être incarcéré. Un de ses camarades est venu demander son élargissement au préfet de police, en le prévenant que, si satisfaction ne lui était pas donnée, il viendrait l’exiger à la tête d’un bataillon. Dans les ministères, on a armé des garçons de bureau pour résister à ces émeutiers, mais ils sont leurs complices.

Kyprios, appelé au Conseil des Ministres pour donner son avis, avait proposé de décréter la loi martiale. Mais le gouvernement, composé de marionnettes dirigées par l’entourage du Roi, était également complice et la proposition n’avait eu aucun succès. Le Roi était intervenu pour dire qu’il avait demandé aux réservistes de se tenir tranquilles. « Quant à l’arrestation de leurs chefs, l’entourage du Roi s’y oppose absolument parce qu’il en fait partie. Les Dousmanis et le gouvernement occulte ont obligé le gouvernement officiel à transférer la police au Ministère de la Guerre, puis à celui de la Marine. En réalité, le gouvernement officiel est absolument impuissant, le Roi l’endort par ses paroles, mais il l’empêche d’agir conformément à ses paroles. »

Les choses en sont à ce point que l’attaché naval ne voit de solution que dans l’intervention de notre force. Le Président du Conseil a délégué Kyprios auprès de lui pour solliciter des Français qu’ils décrètent l’état de siège, ce qui aurait pour conséquence d’empêcher les rassemblements et ports d’armes, et pour demander l’augmentation des effectifs des marins débarqués ainsi que l’occupation du quartier Polytecnion, opposé à celui de Zappeion, mais à proximité des endroits turbulents. Kyprios conseillait de faire arrêter tout le gouvernement occulte et les chefs des réservistes : « Mais, pour procéder à cette opération, il faudrait à l’heure actuelle 7 ou 8 000 hommes, et d’ailleurs il faut toujours se demander si la démarche de Kyprios a été sincère et ne cache pas un piège. »

Preuve est faite ici qu’on se défiait des avis qu’apportaient au service des renseignements certains agents qui voulaient s’y faire bien venir. On les y recevait en général avec beaucoup de bonne