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arrêtés dans la rue et maltraités sans motif. L’un d’eux, autrefois germanophile et devenu ententiste depuis quelque temps, fut bousculé par la foule devant la légation d’Angleterre pour avoir crié : « Vive la France !… » Si le service des renseignements n’avait fait sortir de ses bureaux des agents armés, ce malheureux était massacré. Des incidents analogues se multipliaient en nombre et en gravité, révélant l’état général des esprits et l’insécurité qui régnait dans le pays. Le 16 octobre, 150 marins français avaient débarqué et avaient été logés au théâtre. Ils furent l’objet d’une manifestation hostile de la part d’environ 3 000 individus, poussant des cris et arborant des drapeaux américains. La police grecque n’intervint que faiblement ; elle établit des cordons, mais ne fit pas circuler les manifestants.

La situation s’aggravait de plus en plus dans Athènes, les éléments favorables à l’Entente partant de plus en plus pour Salonique et ce qui restait de l’armée dans la capitale étant ardemment germanophile. Actuellement, aucun sentiment francophile ne pouvait se manifester publiquement sans exposer nos nationaux à des représailles. Quelques mois plus tôt, il eût suffi d’arrêter un petit nombre de personnages pour tenir les autres en respect ; maintenant, il aurait fallu faire une rafle plus complète, et encore n’aurait-elle produit son effet que si elle avait été préparée en secret et exécutée rapidement. Le germanisme s’était développé en Grèce comme une gangrène, parce que nous n’avions pas agi en temps utile. « Si nous voulons y remédier, observe l’attaché naval, il est à craindre que la question dynastique se pose. L’armée des réservistes à Athènes et en province s’organise de plus en plus ; elle remplace les classes démobilisées et deviendra plus redoutable parce que le gouvernement pourra la désavouer et la présenter comme l’émanation des aspirations populaires. Il est regrettable que nous ayons laissé les Grecs constater en maintes circonstances que nous n’avions pas de volonté, mais simplement des velléités. Nos marins débarqués ont donné l’impression de la faiblesse plutôt que de la force, parce qu’ils étaient trop peu nombreux. Si l’on veut obtenir l’exécution stricte des mesures déjà exigées, il faudrait six mille à huit mille hommes dont une moitié au moins deviendrait inutile, « près un nettoyage soudain et simultané d’un pays que l’or allemand a perverti. Suivant leur habitude classique, les Grecs