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à nous en camarade, choisissez, mais n’essayez pas de nous résister, ou c’en est fait de vous. »

Il demanda quelques instants pour réfléchir pendant lesquels les envahisseurs, ayant appris qu’une partie de l’équipage était armée et prête à exécuter ses ordres, se précipitaient, la désarmaient et jetaient les armes à la mer. Toute tentative de défense lui étant interdite, il déclara qu’il voulait rester fidèle à son Roi et aux règlements, et qu’il demandait à quitter le bord ; on le conduisit à la coupée avec tous les honneurs ; on échangea même des poignées de main, et lorsqu’il eut disparu, l’équipage se soumit sans hésiter. Quelques instants après, au lever du jour, l’Hydra, conduit par un remorqueur français, prenait le chemin de Salamine. Le rapport du commandant Kakoulidis, auquel nous empruntons ce détail, se termine comme suit : « La France remorquait la Grèce dans le chemin de l’Idéal et du Devoir national ; honneur et reconnaissance à la Protection séculaire ! »

La manifestation était significative et promettait d’avoir des suites. Mais les chefs de la marine royale, effrayés par cette tentative, s’empressaient de prendre des mesures pour y couper court. Ils éloignaient des équipages tous les suspects. En deux jours, il n’y eut pas moins de quinze cents mutations d’officiers, sans parler de l’arrestation des plus compromis. Ce coup d’Etat s’était opéré à la barbe de l’amiral Palmer, chef de la mission navale anglaise, inspecteur général de la flotte grecque, et qui aurait pu s’opposer à tout changement de personnel. On l’avait prévenu de ce qui se tramait, mais dans les milieux maritimes, on raconta, sans d’ailleurs appuyer le propos de preuves positives, qu’il avait répondu : all right ! et était allé jouer au tennis.

Ce qui permet de mettre en doute ce témoignage d’indifférence, c’est qu’à cette date, l’attaché naval de la légation d’Angleterre confiait à son collègue de France combien l’inquiétaient les mutations opérées dans les États-majors de la flotte grecque. Il eût voulu qu’on obligeât les Grecs à renoncer à ce système et même à rétablir à leur poste les officiers éloignés comme vénizélisles. « Si on les laisse faire, leur flotte sera bientôt une flotte entièrement ennemie. »

L’attaché français se ralliait à cette proposition ; il était temps d’arrêter les agissements de l’Allemagne. « Il est constaté