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qu’elle avait choisi. Il s’affolait de sentir couler les minutes, et ne pouvait supporter lʼidée qu’une barrière de mots allait retomber entre eux.

— Oui, dit-il enfin, je suis allé dans le Midi pour demander à May de fixer notre mariage après Pâques…

— Et vous n’avez pu l’obtenir… Pourtant May vous adore. Et je la croyais trop intelligente pour être à ce point l’esclave des conventions.

— La cause du refus de May n’est pas celle que vous croyez.

Mme  Olenska le regarda, étonnée. Archer rougit et brusquement se décida.

— Nous avons eu une explication franche,… presque la première. May croit voir dans mon impatience un mauvais signe…

— Je comprends de moins en moins.

— May craint que mon impatience ne signifie que je ne suis pas sûr de lui rester fidèle. Elle s’imagine que je veux l’épouser pour m’éloigner d’une personne que j’aime davantage…

— Alors, comment se fait-il qu’elle ne soit pas aussi pressée que vous ?

— Elle a une délicatesse de sentiments que je n’ai pas. Elle exige de longues fiançailles, pour me donner le temps de…

— Le temps de la sacrifier à une autre femme ?

— Si j’en ai le désir…

Mme  Olenska se pencha vers le feu, le regard fixe. De la rue silencieuse, Archer entendit le trot des chevaux qui approchaient.

— C’est très noble, en effet, dit-elle d’une voix émue.

— Très noble, oui, mais absurde…

— Pourquoi ? Parce que vous n’en aimez pas une autre ?

— Parce que je n’ai pas l’intention d’en épouser une autre…

— Ah !

Il y eut encore un long intervalle de silence. Enfin, elle leva les yeux sur lui et demanda :

— Cette autre femme vous aime-t-elle ?

— Il n’y a pas d’autre femme. Je veux dire que la personne à laquelle May pensait n’a jamais…

— D’où vient alors cette hâte de conclure votre union ?

— Votre voiture est arrivée, dit Archer.

Ellen Olenska se redressa à moitié, et jeta autour d’elle un