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Sales et le président Favre trente ans avant celle de l’Académie française, puis, ayant épousé la fille du duc d’Aumale, — toujours les mariages lorrains, — il s’éloigna, revint voir à Lyon saint François de Sales mourant qui l’avait supplié de résider à Annecy, et mourut à Paris, en 1632. Ses deux fils eurent des fins tragiques : l’un tué en Flandre au service de France, et l’autre tué en duel. La race s’éteignit rapidement en la personne d’un dernier descendant, Henri, pair de France, président d’une assemblée du clergé français, réputé pour son savoir, ses vertus et son éloquence, mort à Paris en 1659[1]. Et tous ces princes errant loin de leur petite capitale se firent enterrer à Notre-Dame de Liesse à Annecy. Annecy ne les connaissait plus que par leurs enterrements dont elle faisait les frais et qui étaient fort onéreux. Le duché de Genevois fit retour à la couronne de Savoie par le mariage de la princesse Jeanne, son héritière, avec le duc de Savoie, Charles-Emmanuel II. Et de cette union devait naître le premier roi de Sardaigne. Nemours avait failli épouser une reine : il faisait souche de rois.


IX. — LE ROMAN ET L’HISTOIRE

Détachez maintenant de l’histoire ces quatre personnages : François de Lorraine, dont le génie militaire sauve la France et nous vaut Calais contre l’Angleterre et les Trois-Évêchés contre l’Allemagne, mais dont l’ambition crée une menace intérieure ; Anne d’Este gardant sa beauté calme de blonde madone dans les drames sanglants qui l’éclaboussent et dans le mouvement perpétuel de son existence de cour ; Jacques de Savoie commençant la vie en don Juan, mais en don Juan primesautier, plaisant et grand capitaine, non en don Juan combiné, roué et borné à la volupté, et la finissant en ermite religieux et politique ; Françoise de Rohan outragée, mais tirant de son outrage, comme d’un sac, des citations en justice et des prébendes. Qu’on aperçoive derrière eux ce tumultueux et bouillonnant XVIe siècle où fermente un monde nouveau, où retentit le rire sonore de Rabelais, où la Renaissance s’épure et se magnifie dans les poèmes de Ronsard, où le doute de Montaigne se pare de grâce et de fantaisie, — temps des folies italiennes,

  1. Souvenirs historiques d’Annecy, par le chanoine Mercier.