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de pardon, nous laisserons venir l’oubli. — « Mais, me dit mon ami anglais, croyez-vous vraiment qu’il y ait des Allemands assez fous pour ne pas prendre leur parti de la paix? — Puisque vous retournez à Berlin, lui répondis-je, passez par le Wurtemberg, arrêtez-vous à Stuttgard et allez-y voir l’Exposition, dont un correspondant du Soir, de Bruxelles, faisait ces jours-ci la description édifiante. C’est une exposition qui s’intitule : « L’Allemagne et le traité de paix. » Les entrées quotidiennes y sont très nombreuses. Elle va être fermée, mais pour se rouvrir successivement à Heilbronn, à Ulm, à Ravensburg, à Rottweil, à Reutlingen, à Gœppingen. Elle est destinée à montrer les pertes subies par l’Allemagne en territoires, en habitants, en matières premières, à prouver que le Traité de Versailles est inexécutable, que l’Alsace et la Lorraine sont allemandes, comme la Haute-Silésie, comme le Slesvig, comme Malmédy. Dans plusieurs salles abondent les documents relatifs à la perte des colonies, de la flotte commerciale, des bassins charbonniers. Ailleurs, nous sont présentés des tableaux fantastiques des impôts allemands, et nous voyons un nouveau-né allemand écrasé, dans son berceau, par une dette de cinquante-sept mille cent soixante-deux marks. Plus loin, ce sont d’odieuses caricatures des Alliés. Partout, des graphiques, des dessins, des affiches, dont la signification peut se résumer en ces quelques mots prononcés par un des conférenciers de cette exposition, le docteur Kleiner : « Notre seule vertu doit être la haine; notre seul but, la revanche. »

Les Anglais, qui souffrent d’une terrible crise de chômage et qui sont talonnés par la nécessité d’exporter leurs produits en Allemagne, ont naturellement quelque peine à admettre que, deux ans après notre commune victoire, les pangermanistes aient repris, dans les régions les moins belliqueuses du Reich, un aussi redoutable ascendant. Mais, si nous leur citons des faits, si nous leur donnons la liste du matériel de guerre qui vient encore d’être découvert, si nous leur montrons, par des exemples précis, l’action de la propagande allemande dans les sociétés militaires et dans les universités, ils se rendront à l’évidence d’autant plus aisément que de grands journaux comme le Morning Post et le Times ne se lassent pas de leur répéter ce que nous disons nous-mêmes.

Il n’y a pas à nous dissimuler qu’à l’endroit des réparations, notre effort de démonstration sera plus difficile et plus dur. Au-delà du détroit. Le vent souffle certainement à des concessions nouvelles. Certains journaux anglais, comme le Reynolds’s, oubliant que le