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Après l’ovation prolongée, reprise, et quand notre Premier s’est enfin assis, c’est le prince Tokuwaga qui dit maintenant le plaisir qu’aura la délégation japonaise « à coopérer avec les Puissances si dignement représentées ici en vue d’accomplir une œuvre aussi sublime. »

L’ambassadeur de Belgique s’associe en deux phrases à tout ce qui a été dit et a un joli succès. Le chef de la délégation italienne, M. Schantzer, s’exprime plus longuement. Puis ce sont les représentants des nations invitées, de la Hollande, du Portugal, de la Chine.

Mais, depuis quelque temps, l’attention est retournée au discours de M. Hughes. On se parle à mi-voix. On a hâte d’échanger ses impressions.

L’ajournement de la Conférence est enfin prononcé. La sortie a lieu dans une extrême agitation. Avant d’être sûr de ce qu’il doit penser, chacun est avide d’exprimer ce qu’ils sont.

Au déjeuner, dans les hôtels, dans les clubs, la surexcitation ne fait que croître. Dans la salle à manger du New-Willard, le bruit des conversations couvre même la musique. Toute la délégation française est là. Elle s’est éparpillée, au hasard des rencontres ou au choix des sympathies, aux innombrables petites tables parmi lesquelles une armée de serveurs, de maîtres d’hôtel et deux pâtissiers vêtus de blanc s’affairent. On échange ses impressions de table à table. L’Angleterre et le Japon font naturellement les frais. On commente l’attitude peu encourageante de l’amiral Beatty, la parole qui a été dite à la sortie par un délégué britannique : « Un beau geste! » On escompte les probabilités d’acceptation, de refus. On sait déjà que les Anglais ont pris soin de déclarer tout de suite officiellement, comme par ordre et sans aucun commentaire, qu’ils étaient ravis (delighted) du discours de M. Harding. L’opinion générale reste sceptique quant à leur décision finale.

Tout l’après-midi, la plus grande nervosité règne en ville. Les éditions des journaux qui portent des manchettes sensationnelles et qui se succèdent d’heure en heure, ne sont pas faites pour l’apaiser.

Malgré le froid qui est venu tout à coup et fort vif, on se visite de délégation à délégation. On voudrait avoir l’impression des Anglais, qui ne disent plus rien, celle des Japonais, qui en disent trop. On sait qu’on n’aura au vrai ni les unes ni les