Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conférence, il sera nécessaire que chacun renonce à son égoïsme. Elle pourra ainsi, pour la première fois, dissiper les craintes des Anglais et des Japonais et elle donnera l’exemple aux autres Puissances. M. Harding, qu’en pensez-vous ? » L’éditorial du Jiji, du 30 mars, insiste dans le même sens : la conférence est urgente, « la personne la plus qualifiée pour la présider n’est autre que le Président des États-Unis. Nous prions M. Harding d’ouvrir cette conférence. » Le Japon a confiance dans la valeur de ses officiers et de ses marins, mais il est moins certain que ses finances lui permettraient de tenir longtemps sa flotte numériquement égale à celle des Américains, s’il plaisait à ceux-ci d’intensifier leurs armements. La presse japonaise a accueilli avec plus de réserve la proposition Harding, quand elle a compris que le désarmement naval était lié, dans l’esprit du Président, à un règlement général des problèmes du Pacifique.

Quoi qu’il en soit, il est certain que l’invitation du Président Harding est l’aboutissement de deux mouvements d’opinion aux États-Unis et au Japon ; le premier est commun aux deux pays, le second au contraire les oppose en un antagonisme déjà ancien. L’invitation du Président nous rappelle que la lutte pour le Pacifique est toujours ouverte et entre dans une phase aiguë. Nous voudrions en préciser les origines et le caractère.


I. — LA LUTTE POUR LE PACIFIQUE DE 1894 A 1921

La Revue a été des premières à attirer l’attention du grand public sur l’importance de la Lutte pour le Pacifique[1] et à montrer, autour du plus grand des Océans, les ambitions rivales et les armements menaçants. La lutte pour le Pacifique était en réalité, et est restée, une lutte pour la Chine. L’Océan n’est qu’un chemin et ses îles des points de relâche ou des bases d’opération : l’objectif, c’est l’immense Empire qui ne sait ni défendre ni mettre en valeur les incalculables richesses endormies sur sa terre féconde ou dans les entrailles de son sol.

Vers lui, depuis le XVIIIe siècle, tend l’effort continu de

  1. Voyez mon article : La lutte pour le Pacifique, 15 février 1904. — Voyez aussi mon volume : La lutte pour le Pacifique. Origines et résultats de la guerre russo-japonaise (1905, 1 vol. in-8, Perrin).