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« NADAOU »


NOËL EN ARMAGNAC-NOIR


Nadaou, en Armagnac-Noir, est pour les paysans la fête traditionnelle par excellence. Elle comporte deux réjouissances, l’une religieuse, la messe de minuit, l’autre profane, le réveillon. Et celui-ci se compose exclusivement de la « daube, » mets local, longuement apprêté. Nadaou est de plus la fête des grandes personnes. Les préparatifs de la veillée et du réveillon, la course dans la nuit vers les messes carillonnées, le retour par groupes du même quartier, du même coin de terre, le repas avec ses causeries qui atteint l’aube ne permettent ni aux petits ni aux anciens, ceux-là trop tendres encore, ceux-ci trop las de tant de jours besogneux traversés, d’aller jusqu’au bout de la double cérémonie. On couche les enfants de bonne heure, on les emporte endormis de la chaise devant l’âtre dans le lit, afin qu’ils s’aperçoivent moins de la privation, afin de ne pas les chagriner. Il n’est point pour nos petits paysans de sabots placés deux à deux dans la cheminée, de beaux sabots d’aulne vert et rose, il n’est point de sapins, joie des enfants du Nord. Ils n’ont jamais vu ces pyramides de rameaux éternellement vivants, illuminées, couvertes de cadeaux, glacées de frimas, de fils d’or et d’argent, comme dehors, quand un rayon froid du soleil septentrional touche et allume le givre de l’arbre sur pied… Et, si quelque rêve les enchante, c’est qu’il nait tout seul de leur âme pure, au souffle de la nuit prédestinée… On les couche, et on laisse les anciens auprès d’eux. Ceux-ci les gardent, certes, mais surveillent aussi la daube qui ronronne devant le feu. Le froid gagne, les chemins glissent, l’ombre