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tout le prix de la communication journalière et intime avec vous. Ce qui me manquait peut-être, c’était l’espoir de profiter de vos précieuses indications aussi heureusement que je l’ai fait. J’ose m’en vanter devant vous et devant vous seul. Comptez donc toujours, mon cher Thierry, sur mon attachement : il est tout de respect pour la supériorité de vos facultés et de reconnaissance pour les bons conseils et les grands exemples que j’ai reçus de vous.

« A. CARREL. »


Dans cette lettre, Carrel promettait à Augustin Thierry d’appuyer sa candidature à l’Académie. C’est de l’Académie des Sciences morales et politiques qu’il s’agit. Celle-ci venait d’être rétablie par ordonnance du Roi[1], et, comme elle comprenait dans son organisation nouvelle une section d’histoire générale et philosophique, l’auteur des Lettres sur l’Histoire de France songea quelque temps à se présenter au fauteuil du baron Dacier. J’ai sous les yeux le brouillon de la lettre qu’il balança d’envoyer au secrétaire perpétuel, Charles Comte, et dans laquelle il évoquait ses titres : « Les sciences morales et politiques sont depuis vingt ans le principal objet de mes études ; je l’ai prouvé au plus fort de la lutte constitutionnelle, et c’est dans un but politique que plus tard je me suis livré tout entier à l’histoire. Je ne crois pas m’abuser sur le caractère de mes travaux littéraires, en pensant qu’ils ont assez de généralité pour convenir au but de l’Académie. J’ai le premier, dans mon Histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands, décrit sous toutes ses faces le grand fait politique de la conquête et suivi ses conséquences à travers une longue suite de siècles. J’ai soulevé en même temps la question de la diversité des races au sein du même pays, question qui depuis a fait son chemin dans la science et dont l’Académie elle-même semble avoir reconnu l’importance en élisant M. le docteur Edwards. »

Il réfléchit toutefois que l’absence et la maladie pourraient bien créer des obstacles à sa candidature et résolut de consulter ses amis avant toute démarche officielle. Villemain se montra indécis à sa coutume ; Mignet, au contraire, le déconseilla formellement : « On désire nommer quelqu’un qui réside à Paris

  1. Sur la proposition de Guizot : 26 octobre 1832.