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Le vol de la Marseillaise ! cs n’est point au hasard que le poète avait choisi ce titre pour ce recueil qui devait être son testament poétique ; par un vrai sentiment de ses origines, comme s’il avait voulu reposer dans les souvenirs de son enfance, voici que, sous sa plume, est revenu le nom de la grande cité méditerranéenne.

Le vol de la Marseillaise ! certes, c’est celui du chant national qui a libéré la France et l’Humanité ; mais il nous plaît d’y voir aussi le souvenir de la ville, qui a nourri et inspiré le génie d’Edmond Rostand. Elle l’avait formé pour la poésie et pour la gloire ; elle avait regretté que, s’éloignant de Paris, il ne retrouvât point le chemin de la terre natale ; mais, indulgente à l’enfant prodigue, elle l’a accueilli, quand il est revenu vers elle, hélas ! trop tard, ainsi qu’un fils bien-aimé. Dans les rues ensoleillées d’un soleil un peu pâle de février, bourgeois et gens du peuple se découvraient au passage du cercueil illustre, qui repose maintenant sous les pins, « dont pleuvent les aiguilles, » au cimetière Saint-Pierre, clair et beau comme un Campo-Santo d’Italie.

Que le vent qui monte de la mer latine et qui chante à travers les souples rameaux vienne bercer les beaux rêves du dernier des troubadours et lui parler de cette Princesse lointaine, qui l’appelait au-delà des (lots de la vie, et dont le nom est celui même de la Poésie, à laquelle de bonne heure l’avait initié la Provence.


EMILE RIPERT.