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AUGUSTIN THIERRY
D'APRÈS SA CORRESPONDANCE ET SES PAPIERS DE FAMILLE

III [1]
LE ROMAN D’UN MALADE


JULIE DE QUÉRANGAL

Construit vers 1820, l’hôtel de la préfecture de Vesoul est une lourde bâtisse morose sans caractère et sans style ; en 1830, cependant, un assez beau jardin, aujourd’hui morcelé, l’enveloppait de ses frondaisons, lui faisant aux beaux jours une parure de fleurs et de feuillages.

Appelé par ordonnance du 6 août 1830 à recueillir la succession de M. Lebrun des Charmettes, dans le grand mouvement de réorganisation administrative, œuvre de Guizot, qui mit à pied 16 préfets sur 86 et 196 sous-préfets sur 277, Amédée Thierry s’y était aussitôt installé.

Le nouveau préfet — un préfet de la Résistance — trouvait une situation délicate, sinon même difficile. Il avait à combattre « le tumulte des prétentions personnelles, des animosités locales, des importances vaniteuses, des impatiences aveugles qui n’avaient pas obtenu satisfaction[2]. » A Luxeuil, les républicains, — on disait les factieux, — s’agitaient, refusant le paiement de l’impôt ; des intrigues légitimistes se nouaient dans l’arrondissement de Gray et le clergé des campagnes prenait volontiers son mot d’ordre près des évêques ultras assemblés en congrès à Fribourg. Il fallait sévir, suspendre les maires hostiles

  1. Voyez la Revue du 15 octobre et du 1er novembre.
  2. Guizot.