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Ah ! sans doute, moins que personne, je suis né
Avec une âme prompte et que tout renouvelle !...
Ce qui plaît à mon cœur lentement se révèle,
C’est toujours lentement que je me suis donné.

Pour accueillir en moi-même les paysages,
Il faut que je les sente un peu m’appartenir,
Il faut, pour que mes yeux puissent les retenir,
Qu’ils m’aient souri longtemps, comme de chers visages.

Je ne me souviens pas d’avoir été jamais
Le possesseur joyeux de la minute brève...
Il faut qu’elle ait passé par les lenteurs du rêve...
Je ne sais que demain qu’aujourd’hui je l’aimais.

Non, non !... Toujours aller de rupture en rupture,
Sans cesse, en même temps que d’espoir en espoir !...
Vous avez sur mon cœur perdu votre pouvoir,
Cherchez d’autres amants, départs à l’aventure !

C’est quand j’ai cru m’enfuir que j’étais en prison !
Ici, je me retrouve et je sens que tout m’aime
Entre ces quatre murs où, libre de moi-même,
Au seul gré de mes yeux, j’ai fait mon horizon.


ANDRE RIVOIRE.