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Il est des ciels si beaux et des climats si deux
Où l’on sent que l’amour a droit à l’inconstance...
Ne plus se contenter d’une seule existence!...
Partir ! Partir ! Partir !... Nous en aller de nous !...

Mais non, je le sais trop que mon âme est rebelle
À ces bonheurs errants faits de plaisirs épars...
J’ai voulu quelquefois de ces brusques départs
Où l’on croit rajeunir son cœur... Je me rappelle...

Au lieu du renouveau que j’avais attendu,
Quand j’étais seul parmi la foule indifférente,
Dans ces pays lointains où rien ne m’apparente,
Aussitôt évadé, je me sentais perdu.

Je croyais percevoir l’hostilité des choses,
Je n’éprouvais soudain que douloureux émoi...
Le jour bleu me semblait trop dur autour de moi,
Les jardins exhalaient l’odeur de trop de roses.

Des femmes souriaient, aux portes des maisons,
Mais c’était à la nuit, dans l’ombre des ruelles;
Leur bouche offerte laissait voir des dents cruelles
Qui remordaient mon cœur d’anciennes trahisons.

Trop souvent, même la Beauté me fut sans joie...
Si souvent mon regard malgré moi s’en alla
Du chef-d’œuvre qu’il faut admirer, ce jour-là,
Du débris de château croulant qu’il faut qu’on voie.

On n’est là qu’en passant, pour ne plus revenir.
Le temps presse, on s’efforce, on voudrait avoir l’âme
De candeur et de foi que ce tableau réclame
Ou, devant ces coteaux sacrés, se souvenir.

Mais, d’instant en instant, tout en nous se bouscule,
Une blanche statue efface un vieux portrait,
Une ville en remplace une autre, et disparait...
Comme on est triste et las, quand vient le crépuscule !