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Mais, à voir dans mes yeux mon désir en chemin,
Craintive, oh! sans reproche!
Tu différas d’un geste, en me tendant la main,
La caresse trop proche.

Et tout à coup pareille au soir de notre aveu,
Toi, si souvent donnée,
Tu voulus n’accueillir vers toi que peu à peu
Ma bouche pardonnée...

Renouveau du passé, scrupule inattendu,
Brusque pudeur d’offrande,
Baiser cent fois permis, une fois défendu,
Que votre force est grande !

Voici que, devant toi, je me suis retrouvé
A l’époque lointaine
Où mon bonheur n’était encore que rêvé
Dans ma vie incertaine...

Je te sentais déjà presque mienne, et pourtant,
Du même geste tendre,
Ta main, pour arrêter mes lèvres, par instant,
Se hâtait de se tendre...

Tu voulais notre amour plus lent, plus précieux
Et plus sûr de nous plaire...
Ton âme rêve à la fenêtre de tes yeux,
Ce soir, en robe claire.


V. L’AILE NOIRE



L’horizon peu à peu se noie
Dans la brume d’un soir doré...
Un corbeau croasse et tournoie,
Et m’emplit d’un deuil ignoré.