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Le désir s’y prolonge et leur tendresse adore...
Que de plaisirs charmants le réveil fait éclore !
Cher retour l’un à l’autre, encor presque endormis.
Fiers de sentir en soi tant de bonheur permis !...
Premier regard !... Premier frisson !... Premier sourire!...
Premier baiser, où l’on dit tout, sans rien se dire !...
Un moment, on s’attarde au vieux geste enfantin
D’étirer ses bras nus dans l’air frais du matin,
Avant de retrouver la tâche coutumière...
Puis, les volets qu’on pousse et, soudain, la lumière !...
Le bleu pur de l’espace et l’or neuf du soleil
Qui saute dans la chambre en un grand bond vermeil !...
Ces jours-là, de la joie, au loin, semble s’étendre…
Ou bien le ciel est gris, l’âme est frileuse et tendre,
Autour de vous, en vous, tout parait s’amortir,
Dans les bras l’un de l’autre on traîne à se blottir…
Et la journée enfin recommence, pareille,
En son labeur tranquille, à celle de la veille;
Les efforts différents n’en sont pas moins unis.
Elle va, vient... Meubles poudreux, miroirs ternis,
Ses yeux voient tout, ses mains s’empressent, et les choses
Ont, sous ses doigts légers, comme un air d’être écloses.
Sa grâce se répand sur toute la maison...
Lui, cependant, vers quelque invisible horizon,
Toujours un peu penché, comme sont les poètes,
Regarde, entend des voix pour tout autre muettes,
Et voici que, bientôt, sur les feuillets épars,
Des mots mystérieux naissent de toutes parts...
Elle entre quelquefois, discrète, lui sourire
Et suit des yeux les vers qu’il est en train d’écrire,
D’avance, quels qu’ils soient, sûre de les aimer,
Mais, sachant que sa plume est prompte à s’alarmer
Et que du moindre geste un rêve s’effarouche,
Elle arrête du doigt son baiser sur sa bouche
Et s’éloigne ou, sans bruit, s’efface, disparait
Et, peu à peu, semble, immobile, son portrait,
Jusqu’à ce que lui-même, en un grand besoin d’elle,
Oubliant qu’elle est là, se retourne et l’appelle...
Délicieux instants, divine intimité
Où même le silence est une volupté !...