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fallait attendre pendant trois jours la venue de leurs parcs aéronautiques. Ceux-ci d’ailleurs arrivaient la plupart du temps en morceaux, par suite des pannes nombreuses, survenues en cours de route.

Dans l’opinion du général Mitchell, ce système de ravitaillement de « l’oiseau par la tortue » est défectueux et dans son livre, il envisage, au cas d’une guerre avec le Japon, une flotte aérienne imposante ravitaillée par dirigeables (1 pour 1 000 avions), franchissant le détroit de Behring et allant semer la mort sur le territoire japonais.

Sans doute, il s’agit là d’une éventualité que personne ne désire, et c’est pour illustrer ses convictions, que le général Mitchell donne un exemple concret. Il a d’ailleurs des phrases pleines d’images, telles que celles-ci : « De nos jours la largeur de la Manche a, au point de vue stratégique, une importance moindre que celle du Danube au temps de Napoléon. » « Supposez qu’une flotte aérienne ennemie survole New-York, et jette sur le cœur de la ville quelques-uns de ces projectiles que j’ai fait réaliser ici (bombe de 2 000 kilogs). Croyez-vous qu’une guerre puisse durer longtemps, quand toutes les banques de Wall Street auront sauté ? »

Ce livre suscita des commentaires passionnés, et la controverse fut vive entre les fidèles de la guerre consacrée par l’usage, et les partisans de ce système qui paraissait un peu futuriste. Entre temps, avec la liberté dont disposent les citoyens américains, civils ou militaires, d’exprimer leurs opinions, le jeune général développait sa pensée avec une grande énergie au cours des interpellations aux Comités militaires et navals de la Chambre des députés et au Sénat.

Un jour, il osa affirmer que l’aviation révolutionnerait le système de guerre navale, comme le système de guerre sur terre. « Le cuirassé, dit-il, est aussi impuissant que l’homme d’armes du temps jadis. Je puis couler tous les navires qu’on me donnera. »

C’était un véritable défi lancé à la doctrine ; lord Fisher, sir Percy Scott avaient dit la même chose. Mais il était facile de vérifier, dans une certaine mesure, les affirmations du général Mitchell, puisqu’on disposait en Amérique de certains navires allemands du dernier modèle et que la Conférence des Ambassadeurs exigeait de les couler ayant le mois d’août 1921,