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montrent toutes les ressources de cette « fertile veine » dont Boileau parlait avec admiration. Comment d’ailleurs négliger une œuvre dont Molière a pu dire : « Pour ne pas rompre le fil de la pièce par ces manières d’intermèdes, on s’avisa de coudre les ballets au sujet du mieux que l’on put et de ne faire qu’une seule chose du ballet et de la comédie. C’est un mélange qui est nouveau pour le théâtre, et comme tout le monde l’a trouvé agréable, il peut servir d’idée à d’autres choses qui pourraient être méditées avec plus de loisir. »

Il ne sembla pas non plus que l’on pût raisonnablement supprimer d’un « cycle Molière, » l’Impromptu de Versailles. Il est certain que c’est là un tableau plutôt qu’une pièce, mais c’est un tableau unique par son intérêt documentaire. La répétition d’une œuvre de Molière, par la troupe de Molière; Molière lui-même dirigeant ses comédiens, donnant des conseils, parlant de son art, y a-t-il spectacle d’un plus vif intérêt? Le portrait de Rembrandt par lui-même n’est pas plus émouvant à regarder que ce portrait de sa personne que Molière nous a laissé, dans l’altitude et les gestes de sa vie quotidienne.

Après maintes délibérations, on décida que les seules œuvres qui ne seraient pas représentées étaient Don Garcie de Navarre, Psyché, les Amants Magnifiques, Mélicerte.

Don Garcie fut condamné par Molière lui-même, qui, après quelques représentations, renonça à jouer la pièce; il ne la fit même pas imprimer, et en prit les morceaux les mieux venus pour les transporter dans le Misanthrope. Les Amants magnifiques ne furent qu’une sorte de divertissement royal, « composé de tous ceux que le théâtre peut fournir, » et dont le sujet fut choisi par Louis XIV. Molière, qui n’attachait aucune importance à cette production, ne la fit pas représenter sur son théâtre. Comme Don Garcie de Navarre, les Amants magnifiques ne furent imprimés qu’après la mort de l’auteur. Mélicerte est une œuvre inachevée. Les deux actes que Molière écrivit ne font que nouer l’action et hors une scène, assez gracieuse, ils ne présentent qu’un faible intérêt. Pour Psyché, personne n’ignore que si le plan a été dressé par Molière, « les ordres pressants du Roi l’ont mis dans la nécessité de souffrir un peu de secours, » pour l’exécuter. Dans son avertissement au lecteur (édition originale, 1671), le libraire nous apprend qu’ « il n’y a que le prologue, le premier acte, la première scène