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Chronique - 30 novembre 1921

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE[1]




Je me suis trouvé ces jours-ci en Alsace au moment où y étaient célébrées de belles fêtes patriotiques. J’étais allé à Strasbourg, suivant une habitude qui m’est vite devenue chère, présider la Société des Amis de l’Université et assister à une séance du Conseil qui dirige ce grand établissement; et j’avais eu la bonne fortune d’apporter aux Facultés strasbourgeoises une nouvelle et magnifique libéralité que la marquise Arconati-Visconti avait bien voulu leur réserver en souvenir de son père Alphonse Peyrat et qui leur permettra d’attribuer, tous les ans, des bourses à un certain nombre d’étudiants. Dès maintenant, l’Université de Strasbourg remplit, avec un succès remarquable, son double rôle d’institution régionale, adaptée à tous les besoins de la province, et d’institution nationale, se développant dans le cadre des traditions françaises. Un simple chiffre suffit à montrer les résultats obtenus. Durant l’occupation allemande, le nombre des étudiants alsaciens n’a jamais atteint huit cents. Les jeunes gens du pays ne s’inscrivaient qu’à contre-cœur; ils se sentaient dépaysés dans une maison étrangère. Aujourd’hui, sur deux mille quatre cent vingt-neuf élèves qui fréquentent les cours des Facultés, il y a deux mille Alsaciens, qui tous parlent couramment français.

Pendant ce séjour en Alsace, il m’a été donné de constater, une fois de plus, que l’on commettrait une étrange erreur, si l’on concluait de quelques petits incidents, malencontreusement exagérés ou même dénaturés dans certains récits de presse, qu’il y eût, chez nos compatriotes de l’Est, un refroidissement, si léger fût-il, du sentiment national. Loin de là. Même lorsqu’ils se plaignent de lenteurs ou de maladresses administratives, les Alsaciens restent de bons et loyaux

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