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d’une politique de nationalisme xénophobe, qui s’accommodait d’ailleurs fort bien de la présence des Anglais en Mésopotamie alors qu’elle faisait rage contre le mandat syrien de la France.

Et cependant tout fut fait par le Gouvernement français pour arriver à une entente avec Fayçal. M. Clemenceau s’y employa vainement en avril 1919 : l’Émir refusa d’accepter aucun accord qui reconnût à la France une situation particulière en Syrie. Rendu plus accommodant, du moins dans les mots, après la relève des troupes britanniques par l’armée du général Gouraud, il signa en janvier 1920 à Paris un accord qui nous reconnaissait encore bien peu de chose, mais qui n’eut aucun effet après le retour de l’Emir à Damas. Toute la première partie de l’année 1920 vit en effet une série de pillages, d’assassinats dans la zone occupée par nos troupes, tandis que Damas, qui les organisait, en prenait texte pour dénoncer notre incapacité et notre impopularité. Cette politique était sans aucun doute fondée sur l’idée qu’il n’y avait pas d’opinion en France pour soutenir l’entreprise syrienne, et que nous finirions par nous dérober piteusement. On s’ingéniait à doser les provocations, de manière à nous discréditer autant que possible, mais sans aller jusqu’au point qui provoquerait de notre part une réaction violente. Un tel jeu n’était pas facile à mener et comme nous étions moins résignés à une abdication ignominieuse que le croyaient l’Emir et ses conseillers, il devait finir comme il a fini, après que le général Gouraud eut poussé la patience jusqu’aux extrêmes limites du possible.

C’est une histoire qu’il est bon de résumer encore en passant, bien que « Testis » en ait écrit dans la Revue des Deux Mondes au commencement de l’année, car elle a été opiniâtrement muée en la légende d’un Gouvernement national et populaire avec lequel le général Gouraud s’est refusé à s’entendre, malgré la bonne volonté qu’il aurait trouvée à Damas. La vérité est que nous n’avons jamais rencontré dans le pouvoir de l’émir Fayçal un élément qui eût les moyens ou l’intention de nous servir à rénover le pays sous notre mandat. Il n’a jamais été pour nous, quelles que fussent l’origine et l’inspiration de sa politique, qu’un fait qui s’est rendu radicalement incompatible avec notre mandat, ou même plus simplement, avec notre dignité.